Depuis la création de l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues (AFPAD), nous avons croisé le fer à plusieurs reprises sur les droits des criminels et ceux des victimes. Lors de ces échanges, j'ai toujours senti chez vous un malaise professionnel qui vous était inhabituel: que font ces soi-disant représentants des victimes dans mon carré de sable? Avant l'arrivée de l'AFPAD sur la place publique, des avocats de votre prestance avaient toute la place. La compétence de parler, de commenter ou critiquer publiquement vous appartenait à part entière.

La présence de l'AFPAD vous est apparue, comme pour beaucoup d'acteurs de la scène juridique, très sympathique jusqu'à mon arrivée au Sénat. Tout ce que j'avais revendiqué comme porte-parole de l'AFPAD n'aurait aujourd'hui plus de sens? Pire, selon vous, je suis moi-même insensé. L'éditorialiste en chef de La Presse, André Pratte, avait raison quand il écrivait: «Dès qu'il est question du gouvernement conservateur, bien des gens perdent tout sens de la nuance.»

J'ai appris à la dure qu'en politique, plusieurs préfèrent s'attaquer au messager plutôt qu'au message quand ce dernier nous contrarie. Vos articles dans la revue du Barreau au cours des deux dernières années le démontrent de façon éloquente. Dans l'un d'eux, au lieu de parler du fond de nos différents points de vue sur la loi, vous vous êtes aventuré à faire une analyse psychiatrique de ma personnalité et de mon comportement public. Un tel diagnostic professionnel aurait sans doute mérité le dépôt d'une plainte à l'Ordre des psychiatres du Québec pour pratique illégale de cette science médicale de votre part.

Vendredi dernier, dans La Presse, votre exacerbation à mon égard ainsi qu'envers la mission que je me suis donnée de prendre la parole au nom des victimes d'actes criminels a gravi une autre marche, celle de la méchanceté et de la mesquinerie. Je ne veux pas reprendre le contenu de votre texte, Me Hébert. Cela serait de lui accorder de l'importance inutilement. Il me rappelle l'époque où le salissage de ses adversaires était chose commune en politique.

Vous comprendrez sans doute la raison de mon acharnement à mener le combat non pas au nom de ma fille, mais au nom des milliers de femmes, d'enfants et d'hommes assassinés, et ce, trop souvent par des récidivistes avec lesquels la justice a été trop clémente. Laisser notre système de justice uniquement entre vos mains est de condamner les victimes au silence, ce qu'elles n'accepteront plus jamais. Nous habitons votre carré de sable et nous y resterons, car nous avons payé le prix pour cela.

Les victimes ont trop longtemps été réduites au silence dans le processus judiciaire. Au Canada, comme ailleurs dans le monde, elles réclament deux changements fondamentaux.

D'une part, les victimes refusent d'être victimisées à nouveau lorsqu'elles subissent le coup d'une peine qui n'est pas proportionnelle au crime commis.

D'autre part, elles veulent une place plus juste dans le processus judiciaire.

C'est à ces deux tâches que je me consacre et j'entends poursuivre le travail que j'ai commencé dès les premiers jours de l'AFPAD. Les avocats ne doivent plus être les seuls dans l'arène des droits.