Le débat sur le projet de loi C-10 n'est qu'un exemple parmi tant d'autres de l'incapacité de la société québécoise d'entretenir un débat intelligent autour de questions touchant l'ensemble de la population.

La rationalité est absente du débat, remplacée par l'éternel réflexe de protection identitaire, le fameux «On est différent au Québec». La discussion est monopolisée par les acteurs habituels qui ne font que ressasser des éléments plaidant en faveur de leur opinion, sans souci d'objectivité.

Les intervenants au dossier - universitaires, ministres, avocats -, n'ont jamais pour la plupart oeuvré directement dans l'intervention. Ils discutent de tels sujets sur le seul plan théorique, ignorant la plupart du temps tout de la réalité du terrain et de la difficulté de l'intervention. Or, les recherches démontrent l'impact très réduit de nos programmes d'intervention.

Ces acteurs font souvent ressortir la baisse du taux de criminalité. Mais cette baisse s'explique en grande partie par le vieillissement de la population et des modifications culturelles (les gens deviennent plus intolérants au crime). Cette courbe descendante est observée dans toutes les sociétés modernes et n'est pas attribuable au supposé succès de nos programmes d'intervention.

Tout intervenant de terrain, habitué au sous-financement chronique des procureurs de la Couronne, est bien au courant que la majorité des accusations portées contre les individus représentent toujours un marchandage à la baisse. On s'assure du plaidoyer de culpabilité et on réduit ainsi la charge de travail, déformant complètement la réalité (des meurtres au deuxième degré deviennent des homicides involontaires, etc.).

Ce qui est remarquable dans ce débat, c'est de voir comment l'enjeu a été perverti par les tenants de la pensée unique. Le discours du ministre Jean-Marc Fournier en est l'exemple parfait: nous, au Québec, nous sommes pour la réhabilitation, non pour la répression. Aucun intervenant ne vous explique en quoi ces deux approches s'excluent mutuellement. La pensée unique n'a toutefois pas besoin de justification, elle affirme et se suffit à elle-même.

Pour certains délinquants, la répression est la forme la plus utile de réhabilitation. Ce sont des jeunes qui, dès le jeune âge, sont fortement criminalisés, présentent des éléments de personnalité psychopathiques et toutes les recherches montrent clairement que les interventions sont inefficaces sur eux.

Dans de tels cas, les peines bonbon qu'on leur donne au début de la carrière sont non seulement inefficaces, elles représentent des renforcements à leur délinquance. Imaginez, deux ans à faire des salaires de 200 000$ (trafic de drogues, proxénétisme) versus 3 mois de travaux communautaires.

On se retrouve, comme intervenant, avec des criminels endurcis à 30 ans, qui viennent de recevoir leur première peine significative, qui sont sans formation aucune ni éducation, avec pour tâche de leur vendre un travail à 10$ l'heure au supermarché du coin.

De dire que la répression s'oppose à la réhabilitation, c'est d'être incapable de comprendre qu'avant toute réhabilitation, le crime se doit d'être puni chez les individus ne présentant aucun malaise moral ni remise en question face à leurs agissements. Cette punition devient alors essentielle afin de mettre une limite claire à des personnes qui n'en ont jamais eu dans la vie, ou qui ont utilisé la violence afin de les abattre.

Les partisans de la pensée unique ont toujours le beau jeu d'accuser les gens demandant des peines plus sévères de s'opposer à la réhabilitation. On les voit se draper dans la vertu et accuser autrui d'intolérance, un des sports toute saison pratiquée quotidiennement au Québec.

Répression et réhabilitation sont deux approches, aussi importantes l'une que l'autre, afin d'apporter une solution durable au problème de la criminalité. Comme société, on ne peut que sortir gagnant lorsque la pensée unique est mise en état d'arrestation.