Autant le gouvernement fédéral que ceux des provinces se sentent forts à l'approche de négociations cruciales.

Cet automne, la scène provinciale au Canada s'est transformée. Cinq premiers ministres et leurs partis ont été reportés au pouvoir. Il ne s'agissait pas toujours des résultats prévus et les gouvernements du Manitoba, de l'Ontario, de l'Île-du-Prince-Edouard, de Terre-Neuve et de la Saskatchewan seront plus sûrs d'eux-mêmes. Et à la suite des courses à la direction qu'elles ont remportées en Colombie-Britannique et en Alberta, les premières ministres Christy Clark et Alison Redford ont signalé qu'elles allaient agir différemment, y compris dans leurs rapports avec Ottawa.

Comment ces gouvernements et celui du Québec vont-ils se comporter face au gouvernement fédéral, et entre eux, dans les débats économiques, financiers et énergétiques qui s'en viennent?

À Ottawa, le nouveau gouvernement majoritaire commence à mettre son programme en vigueur. On connaît les engagements qu'il avait pris - fédéralisme d'ouverture et respect des compétences des provinces, maintien de la croissance de 6% dans les transferts pour la santé, réduction du déficit - pour ne citer que ceux-là. La conjoncture politique et économique va-t-elle lui permettre de les respecter? Le désaccord avec plusieurs provinces en matière de justice criminelle est-il révélateur?

Des signes avant-coureurs du rôle qu'elles veulent jouer se sont manifestés du côté des provinces. La plupart rejettent la position fédérale en matière de réglementation des valeurs mobilières, par exemple. La stratégie sur le commerce international adoptée l'été dernier par le Conseil de la fédération, composé des premiers ministres provinciaux, en est un autre.

La réalité est plus compliquée, mais la question se pose: d'où proviendra le leadership quand les gouvernements vont aborder d'ici au mois de mars 2014 le financement de la santé et de l'enseignement supérieur et la péréquation? Tôt ou tard, il faudra bien adopter une politique énergétique canadienne qui tienne compte du changement climatique. Là aussi, d'où viendra le leadership?

Les gouvernements vont-ils jouer leurs rôles traditionnels? Les débats seront-ils surtout financiers? Si oui, c'est souvent le gouvernement fédéral qui contrôle le jeu. Mais dans le domaine de la santé ou de l'énergie, les provinces ont de nombreux moyens d'action et pourraient prendre les devants collectivement. Quelle serait la réaction d'Ottawa?

La situation actuelle semble inédite: des gouvernements provinciaux qui se sentent assez forts et un gouvernement fédéral qui a le même sentiment, mais qui est moins porté en principe à s'intéresser aux domaines qui relèvent des compétences provinciales. À tout prendre, quel sera le résultat? Conflits et absence de progrès ou conflits et progrès? Pour le moment, malgré quelques indices, il est trop tôt pour savoir ce que sera l'atmosphère.

Une première impression aurait pu nous venir des ministres provinciaux et territoriaux de la santé qui se sont rencontrés à Halifax à la fin de la semaine dernière et où ils ont aussi eu une brève rencontre avec leur vis-à-vis fédéral. Les transferts fédéraux pour la santé étaient à l'ordre du jour, mais il s'agissait de discussions préliminaires en attendant que le Conseil de la fédération tienne sa réunion consacrée à la santé en janvier. On verra à ce moment-là comment ils aborderont le renouvellement de l'accord sur la santé.

Il va de soi que la nature des relations intergouvernementales n'est pas le seul facteur en cause. Il en est un qu'il importe de signaler et de ne pas négliger. C'est le propre des relations fédérales-provinciales au Canada d'être le domaine réservé des gouvernements (avec un rôle très limité pour les assemblées législatives). Il n'est dit pour autant que les citoyens vont l'accepter encore longtemps. Ils devraient savoir ce qui se passe, comprendre les enjeux et pouvoir participer aux débats. Ceux que ces questions intéressent devraient trouver les façons de s'en mêler sans attendre qu'on les y invite.

En partenariat avec quatre autres organisations de recherche, dont L'Idée fédérale, l'Institut tient vendredi 2 et samedi 3 décembre, à Montréal, un colloque sur l'état de la fédération canadienne.