C'est connu, le Québec accuse des retards importants dans le traitement décent des animaux. On y trouve toujours des «fermes à chiots» fonctionnant en toute légalité, alors que des milliers d'animaux de compagnie meurent chaque année, euthanasiés dans une fourrière, étant en manque d'adoption.

Il est inouï qu'il ait fallu un reportage-choc de l'émission Enquête de Radio-Canada (sur la fourrière Le Berger Blanc, 21 avril 2011), pour rappeler que des animaux de compagnie sont traités avec une grande cruauté par certains organismes, en dépit de lois minimales les protégeant. Soudainement - enfin - la population s'intéressait à leur sort.

Les animaux ayant un statut juridique de «biens» dont on dispose presque à son gré, un nombre très élevé d'animaux en pleine santé se font euthanasier chaque année, au mieux par un vétérinaire qualifié, au pire par le maître lui-même qui ne souhaite pas engager une telle dépense. Nous détenons au Québec un triste record à cet effet. Et que dire des clauses interdisant les animaux de compagnie dans les baux d'un nombre grandissant d'immeubles à logement, qui force les propriétaires à liquider chaque année leurs petits compagnons.

Les sociétés anglo-saxonnes s'avèrent plus avancées sur ces aspects. Il semble que leurs racines protestantes mais aussi leur culture des droits et de la prise en charge responsable des problèmes sociaux, très développée, contribuent à faire d'eux des activistes se trouvant le plus souvent aux premières lignes. L'activisme en faveur du droit des animaux serait d'ailleurs né en Angleterre au XIXe siècle. Aux États-Unis, un propriétaire d'animal de compagnie demande rarement l'euthanasie pour celui-ci. Au Québec, c'est monnaie courante, et souvent pour des raisons triviales. Notre culture n'a pas intégré une conception de l'animal comme ayant droit au bien-être et à la vie. Peut-être est-ce notre vieux fond agraire et pauvre, qui identifie l'animal à un pur instrument au service de notre survie.

À travers mes recherches sur la diversité au Québec, je me suis aperçue que lors des audiences de la commission Bouchard-Taylor, un mémoire était passé inaperçu. À l'initiative de l'Association des médecins vétérinaires du Québec, il s'inquiétait des pratiques du sacrifice animal dans certaines religions (pratiqué non sans cruauté, on le devine) créoles et africaines. Ailleurs dans le monde, en particulier dans certains pays d'Europe, en Australie et en Océanie, ces débats sont pourtant très avancés. Plusieurs questions y sont débattues en lien avec les religions: les abattages rituels au sein du judaïsme et de l'islam, souvent effectués sans l'«insensibilisation» préalable. Ces sociétés débattent des limites à poser à la liberté de religion, au nom du bien-être animal.

Tout récemment ici, le rituel annuel du sacrifice du mouton par des musulmans a retenu l'attention des médias, car certains avaient tué l'animal dans une grange abandonnée, sans supervision. Tous les musulmans ne pratiquent pas ce rituel. Mais s'il est pratiqué par certains d'entre eux en dehors des lieux autorisés, on espère des interventions musclées du MAPAQ afin de s'assurer qu'il soit pratiqué décemment. Le problème est que les législations actuelles sont très peu fermes sur tout cela, imposant par exemple des amendes dérisoires.

Et enfin, dernière preuve de l'indifférence collective, le rapport du groupe de travail présidé par Geoffrey Kelley, portant sur les animaux de compagnie, a été déposé en septembre 2009. Depuis? Rien. Parmi les recommandations, on trouvait celle d'assurer l'éducation de la population en ce qui a trait aux responsabilités à l'égard d'un animal de compagnie. À l'approche de Noël, où beaucoup de petits chiots et chatons se retrouveront sous l'arbre, la plupart étant voués à un destin malheureux, il est bon de le rappeler.