Le premier ministre russe Vladimir Poutine vient de recevoir un sérieux avertissement de la part d'un électorat déçu par la situation désastreuse de la Russie. Malgré tout, Poutine devrait être élu président le 4 mars prochain, le président d'un pays en déclin.

Vladimir Poutine est habitué de triompher. En 1999, Boris Eltsine le nomme premier ministre, puis lui offre la présidence quelques mois plus tard. À l'élection présidentielle de 2000, il obtient 53% des voix et à celle de 2004, 71%. Ne pouvant se représenter en 2008, il place Dmitri Medvedev à la tête de l'État, qui le remercie en le nommant premier ministre.

Dans quelques mois, les deux hommes vont échanger de nouveau leur place. En prime, Poutine sera élu président pour six ans avec une possibilité de réélection. Donc, si tout va bien, il quittera le pouvoir en 2024 après avoir dirigé la Russie pendant un quart de siècle.

Si tout va bien, car rien n'est moins certain. Le résultat de l'élection législative de dimanche est un choc pour Vladimir Poutine, même si lui et son parti voyaient venir le coup.

En effet, depuis un peu plus d'un an, les Russes manifestent ouvertement leur mécontentement, dans les sondages comme dans la rue. La formation du premier ministre, Russie Unie, est en perte de vitesse. Après avoir obtenu 64% des suffrages en 2007, elle ne cessait de perdre des appuis auprès des Russes sondés. Elle a tout juste obtenu 50% lors du scrutin de dimanche. De plus, la popularité personnelle de Poutine est passée de 60% à 39% en quatre ans, et il s'est trouvé de courageux Russes pour le huer lors d'un événement télévisé en direct il y a quelques semaines.

Le tsar est ébranlé, car les Russes sont exaspérés par la situation du pays. Et cette situation n'est pas rose, ni aujourd'hui ni pour demain. Certes, le pouvoir en place peut se vanter d'avoir propulsé le pays parmi les 10 grandes puissances économiques de la planète et d'avoir amélioré le niveau de vie de quelques millions d'habitants. Cependant, ce résultat a toutes les allures d'un village Potemkine: beau de l'extérieur, délabré de l'intérieur.

La nouvelle richesse de la Russie est essentiellement le résultat d'une hausse vertigineuse du prix des matières premières, comme le pétrole et le gaz, les minerais et le bois. Avec les produits de l'industrie militaire, les matières premières constituent l'essentiel de ses exportations.

Tout ceci est conjoncturel et profite à une petite classe d'entrepreneurs et à certains segments de la minuscule classe moyenne. Pour la très grande majorité des Russes, la Russie est un pays du tiers-monde avec des armes nucléaires.

La population y est éduquée, mais les performances scolaires sont les plus médiocres des pays occidentaux. Au niveau universitaire, les chercheurs publient moins d'articles scientifiques que leurs confrères brésiliens, indiens et chinois.

Sur le plan sanitaire, le tiers des hôpitaux n'ont pas l'eau chaude, l'alcoolisme fait des ravages, les soins sont de piètre qualité, l'espérance de vie est de 65 ans (80 ans au Canada). Cette situation a des conséquences sur la démographie. Même en tenant compte du fait que les Russes font moins d'enfants et que l'immigration d'Asie centrale soutient une certaine croissance, la population russe est en déclin prononcé par rapport aux pays occidentaux.

La richesse que procure une abondance de matières premières n'est pas un mal en soi, mais c'est bien le capital humain qui fait la vraie richesse des nations dans le monde d'aujourd'hui. Le Canada, l'Australie et la Norvège ont les deux. Or, la Russie est incapable de marier richesses naturelles et capital humain.

Poutine a six, sinon 12 ans devant lui pour redresser la situation, améliorer les conditions de la population. Malheureusement, le passé et le présent ne sont pas garants de l'avenir.