On ne peut convoiter un poste dans une entreprise internationale et se plaindre que le français n'est pas l'unique langue au travail.

Les récents articles sur la langue de travail mettent l'emphase sur un seul aspect de la présence de l'anglais au travail. Aujourd'hui, les domaines techniques ne connaissent pas de frontières, qu'elles soient géographiques, linguistiques ou politiques. Les entreprises québécoises suivent ce mouvement et en profitent largement. Les citoyens québécois aussi.

J'ai eu la chance de travailler dans des multinationales québécoises comme Air Canada, Bombardier, la Banque Nationale, le Cirque du Soleil et Desjardins. J'ai vu de près ces «accommodements linguistiques» dont on a fait part dans La Presse. Oui, c'est parfois frustrant lorsque la langue d'une réunion passe du français à l'anglais à l'arrivée d'un non-francophone. Étant anglophone de langue maternelle, je comprends très bien la difficulté de préparer un document dans une langue seconde.

Je comprends également le sentiment identitaire québécois relié à la langue française, et j'aimerais rétorquer que ce n'est pas une spécificité québécoise. En travaillant à l'international pour Bombardier, j'ai pu rencontrer des collègues allemands qui s'offusquaient de ne pas pouvoir travailler en allemand aussi souvent qu'ils le souhaitaient, et du fait que nous, des collègues québécois, parlions en français entre nous en leur présence.

Bombardier Aéronautique ne peut vendre l'ensemble de sa production ni au Québec, ni au Canada; ses clients sont de partout dans le monde. Bombardier a des usines aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Mexique et des fournisseurs en Chine, en Italie et ailleurs. Tout ce beau monde parle en anglais lorsque vient le temps d'échanger. N'empêche que dans chacun de ces lieux, la langue locale est prédominante.

Air Canada, la Banque Nationale, CGI et même Desjardins ont des bureaux dans les grandes villes au Canada et une présence internationale. De plus, pour être concurrentiels, ils adoptent des outils et des méthodes qui viennent de partout. Les économies ainsi générées permettent de garder des emplois de qualité ici.

Les employés techniques de ces fleurons de l'économie québécoise sont régulièrement en contact avec les fournisseurs mondiaux d'outils, de logiciels et de service. Ceci leur permet de développer des connaissances et d'avancer leurs carrières. Plusieurs employés de ces entreprises sont affectés à l'extérieur du Québec pour des stages de durée variable. Ceci ne diminue en rien la place du français dans ces entreprises. Au Québec, les échanges locaux et les services aux employés sont livrés en français.

Être unilingue est un désavantage, peu importe la langue. La connaissance de plusieurs langues nous permet de communiquer avec plus de gens et de mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons. Il n'y a aucune obligation d'être bilingue ou multilingue. Ceux qui désirent rester unilingues francophones ont plusieurs choix d'entreprises et de carrières uniquement francophones au Québec.

Cependant, c'est faire preuve de naïveté que de vouloir un poste dans une organisation ayant un contexte d'affaires international et multilingue pour ensuite se plaindre que le français n'est pas la seule langue au travail. Ceci s'applique dans l'autre sens. Les gestionnaires d'ailleurs qui viennent travailler au Québec ont le devoir d'apprendre le français - et les plupart le font.

Faisons tout ce qui est en notre pouvoir afin de faciliter l'usage du français au travail tout en encourageant nos entreprises à partir à la conquête du monde. Il serait tout à fait contre-productif d'enlever, tel que proposé par le PQ cette semaine, des contrats gouvernementaux aux entreprises québécoises qui ne fonctionnent pas exclusivement en français au Québec.

Ce sont ces relations internationales multilingues qui contribuent à faire rayonner le Québec, et par extension, le français à l'étranger. L'économie dynamique et robuste qui en résulte est essentielle à la préservation de la langue française au Québec.