L'administration municipale de Montréal a annoncé qu'elle s'activera à hausser les limites de densité et de hauteur dans le zonage de nombreux quartiers du centre-ville «pour encourager la venue de nouveaux projets de construction».

Les contraintes de zonage existantes à Montréal sont déjà trop généreuses. De plus, depuis plusieurs années, de furtives hausses aux limites prescrites au plan directeur du centre-ville (1990) signalent aux développeurs que leurs projets sont acceptables, peu importe leur densité et leur hauteur.  Ainsi, trop peu de contraintes de zonage leur sont apparentes quand ils présentent un nouveau projet à l'hôtel de ville.

Plus importants que toute généreuse modification de zonage sont les garanties, les partenariats, les subventions et tout autre avantage attribués par la Ville à des développeurs qui éprouvent des difficultés à l'obtenir des prêts hypothécaires leur permettant de réaliser leurs projets.  De tels projets s'inscrivent souvent dans un marché susceptible de disparaître avant même qu'ils ne soient complétés. Nous traversons des années volatiles, et les banquiers le savent...

À combien peut-on chiffrer le nombre d'importants projets exposés depuis quelques années  aux Montréalais et promus dans les médias, des projets dits «prêts à aller de l'avant»? Combien d'entre eux ont trouvé le financement requis et vu le jour? Trop peu, faut-il admettre.

Le fait de hausser les limites de densité et de hauteur à un niveau supérieur à ce qu'une ville peut économiquement supporter n'a nullement pour effet de favoriser l'émergence de nouveaux projets de construction. Ces hausses encouragent plutôt la spéculation et l'inactivité à tous les niveaux. Elles éloignent souvent de plus petits entrepreneurs qui, plutôt que de réaliser un seul gros projet, en réaliseraient deux de moindre envergure.

Pire encore, le fait de hausser les limites incite tout propriétaire d'immeuble de faible densité et hauteur touché, à négliger sa propriété. Ce dernier croira (logiquement, non?) que, tôt ou tard, lors de la vente de ladite propriété, il réalisera un profit fortuit, malgré son état. Cette plus-value n'aurait jamais été possible auparavant puisqu'il n'existait pas de valeur spéculative supérieure aux usages existants de l'immeuble et à la capacité de payer de ses locataires. Comme effet d'entraînement auprès de ces propriétaires, s'ensuit le délabrement de tous les immeubles le long d'une même rue.

Dans les faits, les valeurs foncières réelles s'affaissent dans tout centre-ville où sont trop élevées les limites de densité et de hauteur en matière de zonage (même aux plans directeurs). Dans les années 50 et 60, le zonage aux limites inappropriées a été catastrophique dans les grandes villes, partout en Amérique du Nord. À Montréal, la situation fut manifestement négative aux plans économique, social et culturel.

S'il vous plaît, ne répétons pas cette erreur.

Localement, la menace est d'ores et déjà prise au sérieux par le milieu de la conservation du patrimoine bâti et par les associations de résidants. Depuis deux décennies, Montréal a connu un dossier décent, mais non exceptionnel, au plan de la conservation de trop peu nombreux bâtiments patrimoniaux existants du centre-ville. En est découlée une meilleure qualité de vie dans leur environnement respectif. Cette situation s'explique principalement par la mise en place, entre les années 70 et 90, de politiques de dézonage plus faibles en densité et en hauteur. Les hausses planifiées par l'administration municipale en place ramèneront les Montréalais aux horreurs des années 50 et 60, années de spéculation rampante, de laideur, de délabrement et de démolitions.