Québec solidaire ne fait plus rire. Depuis sa création, et plus encore depuis la victoire d'un premier député, cette formation politique marque des points.

En faisant la moyenne des intentions de vote des sondages Léger Marketing, la croissance est manifeste: 4% en 2008, 7% en 2009, 9% en 2010 et 10% en 2011. Et dans le passé, les sondages avaient vu juste. Lors du scrutin de 2008, presque 123 000 personnes avaient voté pour cette formation, soit 3,78% du vote! En 2012, presque 300 000 électeurs pourraient bien choisir cette formation. L'élection partielle dans Bonaventure est peut-être un signe. Alors que rien n'avantageait QS, ce parti a obtenu l'appui de 9% des électeurs, contre seulement 3% en 2008. Bref, cette formation n'est plus une force négligeable. La gauche affichée est en voie de sortir de sa marginalité.

C'est évidemment cette progression qui amène le Parti québécois à envisager une alliance ponctuelle. Dans certaines circonscriptions, le PQ ne présenterait pas de candidats. Et QS ferait de même ailleurs. Moins divisées, les forces «progressistes» et souverainistes pourraient peut-être mieux résister à la Coalition de François Legault. L'avantage semble relever d'une évidence arithmétique.

Pratiquement, les choses ne sont pas aussi simples. En concoctant pareille alliance, le PQ crédibiliserait plus que jamais QS. Bien plus, le choix des circonscriptions «cédées» pourrait être hautement problématique, voire litigieux pour les organisations et les membres. La chicane pourrait à nouveau faire les manchettes. Enfin, rien ne garantit que tous les électeurs vont obéir aux stratèges politiques. Bien des péquistes pourraient rester chez eux plutôt que de voter pour QS. Et l'inverse aussi.

En fait, si les deux partis ne sont pas très loin l'un de l'autre, on aurait tort de les confondre. Le tandem Khadir-David s'est illustré en défendant la gauche et non en parlant de souveraineté. De l'autre côté, en prenant la direction du PQ, Pauline Marois avait tenté de recentrer le PQ. Lors d'un colloque tenu en mars 2010, le PQ avait même pris ses distances avec l'État providence pour prôner avec ardeur l'enrichissement individuel. Sur la question des droits de scolarité, Pauline Marois s'est également démarquée. On devine qu'en s'approchant de QS et de la gauche, elle se trouvera à rebrousser chemin et laissera plus de place à François Legault au centre de l'échiquier politique.

Les avantages d'une alliance l'emportent-ils sur les désavantages? Ce qui est sûr, c'est que Pauline Marois n'a pas le profil ni le crédit politique pour procéder aux arbitrages difficiles d'une telle alliance. Ce rôle ne lui convient pas. Pour elle, cela pourrait être le baiser de la mort.

Pour opérer une pareille alliance dans l'ordre, le PQ doit changer de chef. Mais pour mener une course à la direction ouverte et démocratique, il n'a ni le temps ni l'argent. Il doit aussi ramener au bercail les démissionnaires, mais il risque, dans la négociation avec eux, de se marginaliser encore plus. Dans le contexte actuel, Gilles Duceppe ferait bien mieux que Pauline Marois, mais son crédit n'est pas illimité, notamment auprès de certains députés du caucus péquiste. Et à moyen terme, il craint peut-être personnellement de revivre le drame du 2 mai dernier.

Les multiples déclarations des derniers jours, les contradictions de la direction du PQ et les dissensions au sein du caucus ne sont que les plus récents symptômes d'un phénomène plus profond: la reconfiguration de l'échiquier politique québécois. La vieille rivalité entre souverainistes et fédéralistes étant passée au second plan, les joueurs qui l'ont incarnée cherchent désespérément à se redéfinir. Pour les partis comme pour les citoyens, la saison des incertitudes est ouverte.