Dans le cadre de l'émission 30 vies, Radio-Canada a diffusé des épisodes  dans lesquels on trouve un étudiant atteint de paralysie cérébrale. Le personnage de Kevin Dufort, interprété par Alexandre Vallerand, est lui-même atteint de paralysie cérébrale. À mon avis, cet élément est essentiel parce qu'il vient donner plus de crédibilité à l'intrigue. Il n'y a rien de mieux qu'une personne handicapée pour donner un aperçu de sa réalité.

Dès le premier épisode, la notion de crédibilité prend tout son sens. Aussitôt arrivé en classe, Kevin ne souhaite pas être traité à part des autres. Quelques secondes avant que Kevin entre dans son cours d'histoire, le professeur abordait la question de la différence. Il demandait aux étudiants de répondre à la question suivante: comment dans une population, la différence devient la norme? Cet échange n'est pas banal parce qu'il permet de mettre en lumière l'une des caractéristiques d'une personne ayant la paralysie cérébrale: le désir de faire le même travail que tout le monde et surtout ne pas être pris en pitié.

Le deuxième épisode a tendance à ne pas faire la distinction entre une maladie et un handicap. Il est important de  rappeler qu'une maladie est une altération de la santé dont on va  guérir ou mourir. Quant au handicap, il s'agit d'une limitation physique permanente qui n'entraîne pas la mort. Pour mourir, il faut être victime d'une maladie incurable comme un cancer.

À la fin de ce même épisode, Kevin reproche à son professeur d'histoire de ne pas comprendre ce qu'il vit. Cette réalité est très présente dans le milieu scolaire. Un étudiant handicapé éprouve souvent ce sentiment parce que les professeurs qui enseignent dans un établissent scolaire, où les étudiants handicapés ne sont pas nombreux,  ne sont pas formés pour affronter cette réalité. Trop souvent, ils doivent apprendre au fur et à  mesure. Pour un étudiant handicapé, cette réalité est difficile à vivre parce que même si l'étudiant et le professeur parlent la même langue, un étudiant handicapé peut, parfois, avoir l'impression qu'un fleuve le sépare de son professeur.

Deux raisons expliquent ce phénomène. D'abord, les institutions scolaires n'ont pas toujours les moyens financiers pour offrir du soutien aux enseignants qui accueillent cette clientèle. Ensuite, comme tout va très vite dans notre société, les professeurs et les étudiants n'ont pas le temps de se parler autant qu'ils le souhaiteraient.  Dans les  circonstances, on ne peut que lever notre chapeau aux enseignants qui font ce travail. Cela demande un investissement en temps et en énergie plus grand qu'avec les autres étudiants. Les professeurs doivent être de fins psychologues pour arriver à créer un climat de confiance entre les étudiants handicapés et eux. À mon sens, c'est la base de la réussite académique d'une personne atteinte d'un handicap physique. Même si un étudiant est très motivé, si ses enseignants n'acceptent de s'impliquer, la réussite de l'étudiant peut, parfois,  être compromise.

Cette notion d'investissement est représentée dans la conclusion. Lors d'une conversation entre Kevin et son professeur d'histoire, on comprend pourquoi Kevin est révolté et se défoule sur tout le monde. Il est fatigué d'être pris en pitié par ses professeurs. Il préfère vivre sa vie même s'il doit, parfois, faire des erreurs. L'attitude de Kevin est très juste, parce quand on y pense, c'est parfois  en faisant des erreurs qu'on apprend le plus dans la vie.

Malgré la volonté de Kevin, la réaction des enseignants n'est pas surprenante. Bien souvent, le seul contact qu'ils ont eu avec la réalité d'une personne atteinte de paralysie cérébrale provient des téléthons ou des médias. Ces deux moyens sont un bon point de départ, mais il faut se rappeler que, dans le cas des  téléthons, l'objectif est d'amasser de l'argent. Cette réalité oblige les organisateurs à donner l'impression à la population qu'une personne atteinte de paralysie cérébrale doit être prise en pitié. Ceci est un mythe populaire parce que ces personnes n'ont pas l'impression de faire pitié, mais d'être des personnes à part entière. Dans le cas des médias, ils présentent, trop souvent, des cas exceptionnels dans le but d'avoir le plus grand nombre de lecteurs ou d'obtenir la plus grande cote d'écoute.

L'initiative de Radio-Canada est un véritable vent de fraîcheur pour les personnes atteintes de paralysie cérébrale. Malgré le progrès réalisé au cours des années pour intégrer  les  personnes handicapées dans la société, il ne faut pas se décourager. Avec le temps, les croyances populaires finissent par évoluer. Pour atteindre cet objectif, on ne peut qu'encourager l'équipe de 30 vies à nous faire vivre plusieurs autres beaux moments avec le personnage de Kevin Dufort et surtout dire à son interprète, Alexandre Vallerand, que son interprétation était magistrale et lui souhaiter la meilleure des chances dans l'avenir.