Cela fait un demi-siècle que notre réseau scolaire fonctionne dans un mode industriel. On y retrouve la partie patronale représentée par les administrateurs scolaires, d'une part, et les travailleurs, soit les enseignants, d'autre part.

Les tâches des enseignants demeurent conventionnées, régies par des politiques internes et minutées; comme de simples fonctionnaires! Ces pratiques organisationnelles ne favorisent en rien l'engagement professionnel des enseignants au service de l'élève. Au contraire, elles les démotivent. Elles déshumanisent un milieu qui gagnerait à s'humaniser.

Ce contexte doit changer puisqu'il mine la qualité des services dont profite le public et les conditions dans lesquelles évoluent les élèves. Cette semaine des enseignants ne serait-elle pas l'occasion idéale pour débattre du besoin de professionnaliser le métier d'enseignant?

Le 31 janvier, la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) a fait une sortie publique pour demander une modification des programmes d'enseignement. Il m'est toujours un peu inconfortable de lire ou d'entendre des syndicats de l'enseignement faire des recommandations d'ordre pédagogique.

Les syndicats de l'enseignement peuvent-ils défendre à la fois les intérêts de leurs membres et ceux des élèves? Est-ce le mandat des syndicats de l'enseignement de veiller à l'intérêt des élèves? Non.

Depuis des décennies, des enseignants s'unissent à leur syndicat pour formuler des recommandations. La majorité agit dans l'intérêt des élèves. Toutefois, quelques-uns se préoccupent, avec raison, des conséquences que les changements peuvent entraîner sur leur tâche. Par conséquent, il me semble qu'il y a souvent apparence de conflit d'intérêts dans chacune des sorties médiatiques des syndicats de l'enseignement lorsqu'ils formulent des critiques en matière de pédagogie.

Aujourd'hui, les syndicats peinent à recueillir un taux de participation représentatif lors de leurs assemblées générales. Ainsi, il est courant que des dossiers importants tels que des votes de grève soient adoptés seulement par les membres les plus militants. Bref, les syndicats négligent de recueillir l'opinion de l'ensemble de leurs membres et sombrent parfois dans le corporatisme. Par conséquent, cela mine de plus en plus leur légitimité.

À la radio de Radio-Canada, le président de la FAE a tenté de faire valoir les modifications que son syndicat suggère en alléguant des enjeux pédagogiques. Bien entendu, cette stratégie concerne implicitement l'intérêt des élèves. Toutefois, le mandat d'un syndicat demeure de protéger les intérêts de ses membres, les travailleurs, et non celui du public ou des ses bénéficiaires. Or, les syndicats de l'enseignement ne peuvent pas représenter également les intérêts de leurs membres et celui de leurs élèves. S'ils prétendent le contraire, il y a une apparence de conflit d'intérêts. Par ailleurs, est-ce pour protéger les intérêts des élèves que leurs membres cotisent plus de 1000$ annuellement?

De leur côté, le ministère, les commissions scolaires et les directions d'écoles peuvent difficilement prétendre faire mieux. Nous n'avons qu'à constater la vétusté des établissements scolaires et le manque de ressources informatiques adéquates, de manuels et de dictionnaires.

Quant à eux, les politiciens scolaires ont tout avantage à prendre des décisions en fonction de l'opinion publique générale et leur réélection. Vous conviendrez que cela ne correspond pas nécessairement à l'intérêt des élèves!

Certes, les conseils d'établissement ont hérité en partie de cette mission. Cependant, ils disposent de moyens limités. Alors, seule une troisième instance pourrait agir comme une institution apte à protéger le public et veiller à la saine gestion scolaire dans l'intérêt premier des élèves.

Les syndicats sont de moins en moins représentatifs du corps professoral québécois et ils outrepassent leur mandat. Aucune organisation ne veille à la protection du public et à l'intérêt des élèves en éducation. Finalement, ne serait-il pas venu le temps au Québec de recadrer le rôle des syndicats de l'enseignement pour permettre la création d'un ordre professionnel des enseignants?