Le symbole dont s'est doté le mouvement étudiant dans sa lutte contre la hausse des droits de scolarité, le carton rouge (pour intimer au gouvernement Charest de stopper), comporte un double sens amusant auquel ses leaders n'ont pas pensé: en langage de soccer, il pourrait signifier que les opposants à la hausse se sont auto-expulsés du débat. Comment? Par la vacuité de leurs arguments.

L'argument sur l'accessibilité, en vertu duquel une hausse des droits entraînerait une baisse de la fréquentation universitaire, est une fausse évidence. En effet, les contempteurs de la hausse appliquent ici bêtement une loi qu'ils ont pourtant en horreur, celle de l'offre et de la demande, comme si les droits de scolarité étaient une dépense. Or, ceux-ci sont un investissement, de sorte que le nombre d'étudiants ne diminue pas forcément avec leur hausse.

Contrairement à leurs leaders, la plupart des étudiants ont en effet compris que les études universitaires sont un placement incomparable en termes de rendement. Pour cette raison, dans les pays occidentaux, les hausses des droits n'ont entraîné qu'une baisse de fréquentation marginale, preuve accablante que les rouges refusent d'admettre. Ils préfèrent citer, en lui tordant le cou, une étude théorique où on avance que la hausse décrétée pourrait écarter 7000 étudiants.

Ils dénoncent aussi le soi-disant «asservissement des universités au monde des affaires». Selon les tenants de cette vulgate néo-marxiste, la hausse des droits serait le fruit d'un vaste complot de «puissants lobbys du monde des affaires» (sic) et des recteurs des universités pour «privatiser les universités» (ne sont-elles pas déjà des entités privées et autonomes?) et utiliser celles-ci pour satisfaire les «besoins des élites économiques».

Une telle ineptie prêterait à la rigolade si elle ne s'accompagnait de la lancinante rengaine selon laquelle l'éducation n'est pas une marchandise, mais un droit. Cette vision binaire est navrante. Bien sûr que l'éducation est un droit, mais ce droit ne s'exerce malheureusement pas dans l'absolu. Doit-on rappeler à ces matérialistes qu'il faut tenir compte du cadre socioéconomique?

En d'autres termes, bien que l'éducation soit un excellent investissement pour la société, l'accès aux études supérieures est soumis à diverses contraintes, dont le financement n'est pas la moindre.

Chacun sait pertinemment qu'en plus de nourrir l'esprit et de développer le sens civique, l'éducation constitue aussi un passeport vers la réussite professionnelle et sociale, avec les avantages pécuniaires qui s'y rattachent. Sans compter que le lien entre l'université et les entreprises n'est pas une hérésie ou une manifestation satanique, mais un fait historique et une nécessité dont nous tirons tous profit.

Ils nous bassinent enfin avec le fameux modèle scandinave, où les études supérieures sont gratuites et le financement public. C'est là un idéal séduisant, mais on aimerait que les apôtres de la gratuité aient l'honnêteté de mentionner, dans ce débat de société auquel ils nous convient, que les contribuables de ces pays paient environ les deux tiers de leur salaire en impôt et que la sélection y est impitoyable, de sorte que plusieurs de nos carabins seraient exclus de cette utopie luthérienne. Pas de traîne-savates en Scandinavie! De toute façon, nos sociétés sont si différentes que ce modèle n'est pas transférable ici.

Les défenseurs des grévistes disent souhaiter des universités où les étudiants connaîtront le «droit à l'épanouissement en pleine égalité». On se retient de s'esclaffer devant cette bluette où les étudiants s'épanouissent dans une bulle dorée, financée par les contribuables et à l'abri des menées diaboliques du monde des affaires. Hélas, les étudiants qui arrivent à l'université ne sont pas égaux et ils le sont encore moins quand ils en ressortent.