Les militants du lobby euthanasiste ont enfin obtenu ce qu'ils estiment être une assurance contre la souffrance. Largement inspirés et assistés de groupes similaires d'autres pays, ils ont convaincu les parlementaires de leur donner pleinement raison en manipulant leur compassion à partir d'un étalage grotesque de la souffrance inhérente à l'humaine condition.

Il s'agit d'une décision unanime au parfum de propagande applaudie par tout le parquet du Parlement et les autorités du Collège des médecins et du Barreau du Québec.

Les personnes opposées à la décriminalisation de l'euthanasie n'ont pas été entendues même si leurs témoignages constituent une majorité des mémoires déposés. À juste titre, elles se surprennent que, comme le Collège des médecins et le Barreau, la commission n'ait pas été indisposée des 1000 Belges et 500 Hollandais qui sont euthanasiés chaque année sans leur consentement et sans que, dans la plupart des cas, ils n'en aient jamais discuté avec leur médecin.

Ce silence donne l'impression que tout était déjà décidé et que cette consultation ne constituait qu'une façon de légitimer de nouvelles façons de faire mourir les gens.

Ce document changera à jamais notre rapport individuel et collectif à la mort, à la vie, et à la médecine. La mort perd son caractère mystérieux et imprévisible, car l'homme se donne le droit de délibérément la causer; la vie perd son sens dans celui qu'elle a toujours cherché et donné à l'épreuve, qui n'a plus d'autre qualificatif que celui d'intolérable; et la médecine perd sa suprême obligation de toujours chercher à soulager la souffrance en ayant acquis le droit de supprimer le souffrant.

Dorénavant, ceux qui accepteront d'aller au devant des personnes souffrantes devront travailler avec un couteau sur la gorge, chaque malade pouvant recourir à l'ultimatum extrême: «Si tu ne parviens pas à me soulager, tue-moi!».

J'ai choisi d'être aux premières tranchées devant la souffrance inéluctablement liée à notre condition d'être humain. Maintenant que la loi m'obligera à trouver un autre médecin pour effectuer l'euthanasie à ma place, je me sentirai complice obligé comme si l'on me demandait de commettre un crime et que, m'y refusant, j'identifierais l'individu chargé de le commettre à ma place. Cette disposition inacceptable est profondément immorale.

Le rapport dit expressément qu'on n'attendra pas que les soins palliatifs soient offerts à tous pour permettre l'euthanasie. Espérons que le gouvernement, qui laisse depuis des années à des fondations privées le soin de développer l'offre de services en soins palliatifs, déboursera de sa poche le coût des euthanasies.

À l'instar des maisons de naissance, souhaitons qu'on crée des maisons de mort où tout sera fait proprement selon les règles, comme on le voit dans le film prophétique Soleil vert (1973). Cela laissera le reste du système de santé libre de cette équivoque: d'un côté, on se bat pour la vie; de l'autre, on donne la mort.

Désormais, la vie des Québécois sera entre les mains des médecins qui décideront si la souffrance d'autrui est intolérable ou non. On peut se demander si la disponibilité de l'euthanasie ne soulagera pas plutôt la souffrance du médecin confronté à son impuissance de guérir et de soulager.

Je souhaite que les opposants à l'euthanasie cessent toute collaboration aux gestes et aux politiques euthanasiques. Afin que cela soit clair pour mes patients et mes collègues, je porterai dorénavant sur mes vêtements de travail un carreau blanc pour que chacun sache à quoi s'en tenir.

Et si je reçois quand même des demandes, je les référerai au Collège des médecins du Québec. Les autorités médicales ont été la source du débat et le célèbrent actuellement de leurs applaudissements. J'espère que leur responsabilité sera entièrement assumée si un seul citoyen du Québec est mis à mort par un médecin sans qu'il y ait consenti. Mais les morts ne parlent pas. Les autorités médicales n'auront donc rien à craindre.