Merci à François Cardinal d'avoir réservé son éditorial de samedi au dossier que nous consacrons aux Anglo-Québécois dans notre édition toujours en kiosque.

L'éditorialiste nous reproche d'avoir manqué de rigueur dans la conception des questions de notre sondage, et d'objectivité en y associant Jean-François Lisée, qu'il juge trop «militant».

L'éditorialiste note que 80% des anglophones parlent le français et que 83% veulent que leurs enfants soient bilingues, mais on ne peut en conclure, dit-il, que «les trois quarts des Anglo-Québécois "n'ont rien à cirer du français"».

Il aurait raison de nous semoncer si c'était ce que nous avions écrit. Or, nous avons affirmé que les trois quarts des jeunes anglos n'ont rien à cirer de l'avenir du français. M. Cardinal cite par ailleurs une question à la formulation alambiquée. Il la détient, car on lui a remis le questionnaire. Mais elle n'apparaît nulle part dans l'analyse, car Jean-François Lisée ne l'a pas utilisée - il avait même proposé qu'on la retire -, car il n'en était pas satisfait.

En fait, M. Cardinal ne cite aucune des questions les plus révélatrices: celle où 74% des jeunes anglos estiment normal que des grandes entreprises embauchent des cadres supérieurs unilingues anglais, ou celle où 67% estiment que Montréal ne perdrait pas son âme si le français n'y était pas prédominant.

D'autres collègues de langue anglaise ont vu le grand intérêt de la question générationnelle soulevée par ce sondage. Dans The Gazette du 31 mars, Dave Johnston s'interroge sur le niveau réel de maîtrise du français par les jeunes anglophones qui se disent bilingues (ce qui pourrait expliquer leur vision de l'avenir du français). Selon lui, les aptitudes en français de ces jeunes vont en diminuant une fois leurs études secondaires terminées (et leurs cours obligatoires de français achevés). Dave Johnston se demande si Emploi Québec ne devrait pas créer un programme d'emplois d'été qui permettraient à de jeunes anglophones de Montréal de travailler en français dans d'autres régions du Québec.

L'actualité n'a pas mis d'huile sur le feu linguistique, comme l'écrit François Cardinal. Elle a lancé une conversation nécessaire avec les Québécois de langue anglaise, qui permettra peut-être d'éviter la crise linguistique qui se préparait.

Pour ce qui est de Jean-François Lisée, qui collabore à L'actualité depuis 30 ans et a valu au magazine de nombreux prix de journalisme, je dois avouer que nous lui avons fait réécrire son premier jet du texte d'analyse sur le sondage, car nous le trouvions trop peu incisif! Et il a eu une influence modératrice dans le choix des titres de couverture.

Aucune famille politique n'a le monopole de la préoccupation linguistique. Elle appartient à tous les citoyens. François Cardinal peut donc se rassurer. Le magazine L'actualité ne s'est pas éloigné de l'objectivité dont il fait toujours preuve.