Le 31 janvier dernier, les 82 maires regroupés au sein de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) présentaient leur mémoire au gouvernement dans le cadre des consultations prébudgétaires. La démarche s’inscrit dans un contexte particulier.

Nous subissons présentement une crise sanitaire avec ses effets sur les chaînes d’approvisionnent dopant les coûts de construction, sur le télétravail encourageant l’étalement urbain et sur le transport collectif atteint d’une importante chute d’achalandage. Nous sommes, par ailleurs, confronté à une crise climatique et la nécessité d’adopter des mesures pour atteindre les cibles de neutralité carbone.

D’entrée de jeu, la CMM annonce son intention de densifier les quartiers TOD (Transit-Oriented Development), d’augmenter la part modale du transport collectif et de soutenir l’habitation sociale.

Rappelons qu’en ces matières, le défaut des paliers supérieurs de fournir les investissements nécessaires a condamné les villes à surutiliser l’impôt foncier, et ce, bien que le Québec soit déjà la juridiction au plus lourd fardeau foncier.

Cette surcharge foncière est amplifiée par la multiplication des redevances, notamment celles associées aux transports et à l’habitation. Il va sans dire que ces redevances s’ajoutent aux impôts fonciers annuels et aux droits de mutation. L’ensemble de ces frais ont pour effet de hausser les coûts des loyers des logements et d’achat des propriétés. Afin d’éviter une détérioration de l’abordabilité dans les secteurs où l’on désire créer des milieux de vie complets en misant sur la densification autour des airs TOD et POD (Pedestrian-Oriented Development), il serait souhaitable, dans un contexte d’explosion des coûts de construction et de surchauffe des valeurs immobilières, que le gouvernement du Québec réponde favorablement aux demandes de la CMM.

L’habitation inclusive

Selon la CMM, 213 000 ménages consacrent plus de 30 % de leur revenu brut au logement. La Communauté demande à Québec de prévoir le financement soutenant la construction de 3000 logements sociaux, de 9000 logements abordables et la réhabilitation de 14 000 HLM fortement dégradés au cours des 10 prochaines années.

L’habitation sociale est de responsabilité nationale. Le défaut de fournir un financement approprié condamne les municipalités à alourdir la fiscalité foncière. Le résultat éloigne le contribuable d’un prix raisonnable de logement et incite à l’étalement.

Les quartiers de proximité et le transport durable

Pour répondre aux défis de la neutralité carbone, il faut dès maintenant organiser la ville en fonction d’une offre de « densification heureuse ». Cela veut dire adopter un zonage favorisant la mixité d’usages, prévoir une densité suffisante pour justifier les services publics et privés à proximité, planifier un cadre de vie et une architecture qui donne de l’air et ouvre le ciel. Ce genre de quartier de proximité réduit les émissions de gaz à effet de serre (GES), car la densité permet la proximité de services et d’emplois, ce qui réduit les besoins de déplacement en voiture.

La CMM appelle à l’accélération de la réalisation des quartiers TOD et souhaite pour les réaliser obtenir des ressources financières soutenant l’aménagement urbain et la requalification foncière. Ces mesures, cohérentes avec les actions requises pour faire face à la crise climatique, sont de plus en plus considérées dans de nombreuses villes du monde rassemblées autour de l’idée de la « ville des proximités » qui fut présentée à Paris lors de la COP 21.

Cela dit, tout ne peut pas être à proximité et personne ne voudra devenir prisonnier de son seul quartier. La crise climatique impose de développer une solution de rechange à l’auto solo qui soit attractive et dotée d’incitatifs à son utilisation.

C’est d’autant plus pertinent de le souligner car encore aujourd’hui, la part du budget du ministère des Transports attribué aux routes dépasse largement celle allouée aux transports collectifs.

Les objectifs de la CMM, du gouvernement du Québec (Politique de mobilité durable) et de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) convergent vers l’accroissement de la part modale du transport collectif. Tous s’entendent. On ne réglera pas les problèmes de gouverne sans corriger le déficit de financement.

À terme, il faudra bien implanter la taxe kilométrique, ne serait-ce que pour remplacer la taxe sur l’essence nécessairement moins performante avec un parc grandissant de véhicules électriques. Incidemment, pour en assurer l’acceptabilité sociale, les autorités publiques doivent dès maintenant en présenter les contours et proposer un calendrier d’implantation graduelle. À cet effet, la CMM plaide pour la création d’un groupe de travail Québec-ARTM-CMM sur le financement de la mobilité. Ces nécessaires discussions doivent viser à réduire l’appétit pour l’étalement.

L’urgence de la situation commande, par ailleurs, un rehaussement financier immédiat. L’achalandage réduit dû à la pandémie ne doit pas pénaliser les opérations et le développement incontournable pour endiguer l’exode urbain.

Ajoutons notre voix

L’Institut de développement urbain rappelle les limites de l’impôt foncier et soutient la demande des maires pour un nouveau cadre fiscal municipal. L’objectif de la cohérence avec les mesures climatiques devrait servir de base à ces discussions.

Dans l’intervalle, avec l’appui d’Ottawa, Québec doit adopter un programme de transfert municipal à quatre volets : habitation sociale ; transports durables ; aménagement urbain et requalification foncière. Le pouvoir de dicter des cibles carbone s’accompagne de l’obligation d’en financer l’atteinte.

Nous sommes convaincus que de nombreux acteurs sociaux, économiques, environnementaux et universitaires partagent eux aussi la demande des maires. La pandémie et l’horizon climatique changent la donne, elle nous appelle à ajouter notre voix et à susciter de nouvelles alliances pour marquer un virage dans la construction du Québec de nos enfants.

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