En 1990, Lucien Bouchard, à l’époque ministre fédéral du gouvernement conservateur, quitte son parti et emmène avec lui cinq autres députés conservateurs pour établir ce qui allait devenir le Bloc québécois. Aujourd’hui, avec les conservateurs sur le point de se radicaliser davantage vers la droite, les dix députés québécois ce cette formation devraient songer sérieusement à s’inspirer de Lucien Bouchard – rompre avec leur parti et possiblement même grossir les rangs du Bloc.

1990 : la première rupture

Après la défaite de l’accord du lac Meech (et l’adoption du rapport Charest), Lucien Bouchard arrive à la conclusion que son parti ne défend plus les intérêts fondamentaux du Québec et quitte le navire conservateur pour former un rassemblement de députés québécois afin de rétablir un rapport de force « d’égal à égal » entre le Québec et le Canada. Inspiré par le Bloc populaire des années 1940, Bouchard veut unir des députés libéraux et conservateurs sous une seule bannière pour défendre les intérêts du Québec. Pour Bouchard, il était temps que le Québec se retrouve et refasse ses forces. Son verdict était noir sur blanc : les nationalistes québécois n’avaient plus leur place au sein du parti conservateur. Aujourd’hui, l’histoire semble sur le point de se répéter.

Avec le congédiement du chef Erin O’Toole par sa base militante, plusieurs commentateurs politiques constatent que les divisions au sein du Parti conservateur sont tout simplement trop vives pour qu’elles soient réconciliées par un nouveau chef.

Peut-être, mais les divisions qui tourmentent les conservateurs ne relèvent pas d’une lutte interne, mais existent plutôt entre la base conservatrice et son ancien chef, qui voulait garder le parti plus au centre de l’échiquier politique. En bref, le parti semble solidaire dans son nouveau virage vers la droite.

Le meilleur exemple qui illustre cette nouvelle réalité se trouve dans le positionnement du parti sur l’enjeu des changements climatiques. Il y a un an, O’Toole faisait un plaidoyer à ses membres d’accepter la réalité des changements climatiques lors de leur convention annuelle. Quelques heures plus tard – et au mépris de son chef –, le Parti conservateur vote majoritairement contre une motion reconnaissant l’existence des changements climatiques. Force est de constater que la bataille pour l’âme du parti est déjà faite, et que c’est le vieux parti « Reform » qui domine actuellement, même si ce n’était pas toujours le cas.

Lorsque le nouveau Parti conservateur est venu au monde en 2004, les clans progressistes et Reform ont choisi de mettre de l’eau dans leur vin et d’accepter l’union plutôt que de subir 10 ans de plus de règne libéral. La réconciliation a été difficile, mais ils ont réussi à offrir une solution de rechange crédible aux Canadiens. Aujourd’hui, le dogmatisme et l’entêtement du parti l’empêchent de progresser. Sous Stephen Harper, les pires éléments du parti étaient contrôlés, mais sous la direction d’un chef potentiel comme Pierre Poilievre, le retour du parti Reform et un virage vers la droite extrême deviennent réalité.

Des choix difficiles

Les députés québécois conservateurs vont sûrement allumer plusieurs lampions cette semaine pour prier pour le retour de Jean Charest comme chef de leur formation. Cependant, si Poilievre prend le pouvoir, ils auront peu d’autres choix que de quitter le navire s’ils désirent sauver leur âme québécoise. Le partenariat avec un parti fédéral demeure une voie légitime pour faire avancer les intérêts du Québec, mais un nouveau parti Reform se donnera comme mission de taire la voix du peuple québécois. L’avenir du Québec ne peut être façonné que par les Québécoises et les Québécois eux-mêmes.

Le caucus québécois du Parti conservateur a déjà fait des compromis jusqu’à la limite où la fierté perd son nom. Si Poilievre devient chef, ils n’auront guère le choix que de rompre avec leur parti et possiblement négocier une alliance avec le Bloc québécois, ou devenir un regroupement indépendant. Comme en 1990, le temps est peut-être venu que le Québec se retire pour rétablir un nouveau rapport de force.

Lorsque le Bloc québécois vit le jour, c’était un refuge pour les politiciens québécois de toutes les philosophies politiques de faire front commun contre pour faire avancer les intérêts du Québec. Son institutionnalisation après le référendum de 1995 a changé son identité, mais un retour aux sources lui ferait du bien.

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