Certains blocus frontaliers ont disparu, ce qui constitue certainement une bonne nouvelle. Mais les dommages diplomatiques qu’ils ont causés persisteront probablement pendant un certain temps et Ottawa semble le reconnaître.

Ces derniers jours, de nombreux Canadiens ont regardé avec incrédulité les manifestants bloquer aisément de nombreux points d’accès entre les États-Unis et le Canada. Pendant six longues journées, le pont Ambassador, cette voie commerciale clé qui relie la ville de Detroit au Michigan à celle de Windsor en Ontario, était bloqué, obligeant les camions à se rediriger vers Sarnia. D’autres passages frontaliers ont subi des sorts semblables au Manitoba et en Alberta.

De nombreuses expéditions accusent des retards importants et le contenu de certaines cargaisons vieillies ou gâtées est gaspillé. Bleuets, légumes verts – plus de déchets et plus de coûts pour l’industrie et les consommateurs. Les données de Statistiques Canada sur l’inflation publiées cette semaine nous indiquent que les problèmes à la frontière contribuent à la hausse des prix au pays. maintenant, le gouvernement Trudeau invoque la Loi sur les mesures d’urgence.

Pour notre réputation à l’international, le gouvernement Trudeau n’avait pas le choix. Les gens peuvent bien perturber des villes comme Ottawa, Québec, Toronto, Montréal, Halifax, mais les risques prennent une autre dimension lorsque le commerce entre deux pays s’arrête.

La moelle épinière de notre économie

Si les chaînes d’approvisionnement représentent l’épine dorsale de notre économie, la frontière constitue sa moelle épinière. Les ondes de choc de ces fermetures se font ressentir aussitôt. Des usines de fabrication ont dû fermer et il a fallu à peine quelques heures pour que la Maison-Blanche appelle le premier ministre Trudeau pour lui faire part de ses inquiétudes.

Si certains Canadiens ignoraient que la frontière internationale entre le Canada et les États-Unis se retrouvait au centre des préoccupations des deux économies au fil des ans, ils le savent assurément maintenant.

Maintenir ouverte la plus longue frontière du monde, de manière pacifique et sans perturbation, ne constitue pas une mince affaire. Il a fallu des décennies pour favoriser un esprit d’interdépendance entre les deux pays, notamment pour le secteur agroalimentaire.

Au cours de la dernière année, le Canada représentait le deuxième marché pour les exportations agroalimentaires américaines, totalisant au-delà de 26 milliards de dollars, soit 15 % du total des exportations agroalimentaires américaines. Parallèlement, les États-Unis ont importé pour 30 milliards de dollars de produits agroalimentaires du Canada. Cette frontière est très achalandée et sans elle, le paysage de la sécurité alimentaire au Canada serait bien différent.

Sur le plan économique, peu de conséquences résulteront de ces fermetures frontalières. Les entreprises pourront surmonter cette crise, en particulier dans la distribution alimentaire. Comme les rayons vides nuisent aux affaires, les importateurs et exportateurs feront tout pour ne pas nous voir quitter les épiceries les mains vides. Les dégâts, cependant, vont au-delà des chiffres.

Réputation ternie et « Buy America »

La réputation de notre pays a été heurtée de plein fouet par les problèmes à la frontière. Se voir sommé d’agir par Washington était tout simplement embarrassant. La confiance envers le Canada à titre de partenaire commercial s’en verra sûrement ébranlée. Le Canada, après tout, est l’un des pays les plus pacifiques au monde.

Le Canada, ce partenaire le plus petit et le moins influent économiquement des deux, a beaucoup à perdre. Les États-Unis ont plus d’options logistiques. La fermeture forcée d’une frontière aura des conséquences potentiellement à long terme.

Cela pourrait persuader les États-Unis de reconsidérer des solutions de rechange stratégiques ou de changer de position sur certaines questions commerciales plus épineuses, comme le bois d’œuvre et les produits laitiers.

Le Canada vient peut-être même de faire valoir des arguments en faveur des défenseurs du fameux « Buy America ».

Mais les consommateurs se verront les plus touchés. Il faut s’attendre à ce que le prix des denrées alimentaires augmente potentiellement au-delà de ce qui était prévu il y a quelques mois à peine.

Voilà une autre tuile dont les Canadiens n’ont tout simplement pas besoin ces temps-ci.

Repenser la chaîne d'approvisionnement

Sur le plan logistique, le concept d’utilisation de véhicules sans conducteur utilisant une technologie autonome pour le transport routier de marchandises à petite et grande échelle a du mérite, plus que jamais peut-être.

Certaines entreprises ont dû réduire leur production en raison de problèmes d’approvisionnement causés par les blocus. Cela incite certaines entreprises à repenser le transport en Amérique du Nord et se débarrasser des humains au volant devient une option très attrayante.

Somme toute, pour le bien de notre chaîne d’approvisionnement alimentaire, il n’y a rien de plus désorganisant que les perturbations civiles.

Même les évènements liés aux changements climatiques, comme les rivières atmosphériques l’automne dernier en Colombie-Britannique, nous permettent de savoir à quoi nous attendre.

Mais avec des perturbations civiles, peu de gens savent combien de temps tout cela peut durer, et jusqu’où certains sont prêts à aller.

Peu importe comment nous regardons ce qui se passe, Ottawa a maintenant de sérieux problèmes diplomatiques à régler. Invoquer la Loi sur les mesures d’urgence était la bonne chose à faire pour notre réputation et pour la confiance de nos partenaires à l’international.

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