« Je m’appelle Helena, et à l’heure où j’écris ces lignes, je suis une femme de 23 ans qui, adolescente, croyait être transgenre. »⁠1 « Bonjour, je m’appelle Sky et je suis une détransitionneuse. » « Quand j’avais 11 ans, j’ai trouvé une vidéo sur YouTube intitulée “Comment binder (ligoter ses seins) en toute sécurité” ». J’ai regardé ce que c’était, et j’ai découvert la communauté trans. »2 Il s’agit de débuts de témoignages poignants parmi des dizaines de milliers, qui se retrouvent sur des forums⁠3 où des détransitionneurs et désisteurs (personnes s’étant identifiées trans qui renoncent aux traitements médicaux ou se réconcilient avec leur sexe de naissance) se racontent.

Dans le cadre de la Journée de sensibilisation à la détransition (12 mars) et de la Journée internationale des droits des femmes (8 mars), nous avons voulu relayer la voix de jeunes filles, de plus en plus nombreuses qui, à l’adolescence, se sont mises à détester leur corps et à souhaiter une transition (démarche sociale et médicale vers l’autre sexe), puis ont fait le chemin inverse après avoir réalisé que celle-ci avait ruiné leur vie.

Ces voix sont malheureusement inaudibles. En matière de transidentité, la ligne journalistique dominante est celle de la banalisation. Un article paru il y a quelques jours dans ces pages⁠4 présente une autrice de livres pour enfants dont l’objectif est de raconter de « belles histoires » afin de présenter la transidentité comme « une normalité parmi d’autres », notamment grâce à des illustrations enfantines « remplies de douceur ».

La transidentité est-elle vraiment à banaliser ? Ce n’est pas ce qui ressort des témoignages, comme celui d’Helena dont nous traduisons certains des propos de l’anglais : « La transition a aggravé ma santé mentale de façon considérable. C’était dire à l’enfant qui souffrait en moi que je la détestais et que je voulais l’anéantir. C’était un acte de guerre contre moi-même. »

L’adolescence est une période d’expérimentation et de recherche identitaire qui suscite toutes sortes de confusions, de doutes et de conflits. Les jeunes n’ont pas toujours une perception juste de leur condition. Ils ont besoin d’être écoutés, conviés à une exploration des causes de leur mal-être, et non pas d’être amenés à considérer la transition comme le seul remède. De plus en plus d’institutions médicales à travers le monde préconisent d’ailleurs la prudence face aux approches médicalisées invasives en matière de transidentité. La Finlande a été la première à développer des lignes directrices priorisant l’exploration psychologique. En Suède, l’hôpital universitaire Karolinska de Stockholm interdit depuis mai 2021 l’usage des bloqueurs de puberté administrés pour freiner le développement des caractères sexuels secondaires des enfants. Tout récemment, l’Académie nationale de médecine (France) a publié un communiqué appelant à privilégier un accompagnement psychologique aussi long que possible et de retarder toute intervention médicalisée. ⁠5 Pourtant, de nombreux témoignages font état de consultations expéditives et de prescriptions de bloqueurs de puberté ou d’hormones, sans examen préalable, dès la première visite. C’est le cas d’Helena. « Peu après mon 18e anniversaire, j’ai pris rendez-vous dans un centre de planification familiale pour commencer un régime de testostérone. Je me souviens que le processus d’admission a duré environ 20 minutes. Lors de mon premier rendez-vous, on m’a prescrit 100 mg de testostérone, que je devais m’injecter dans le muscle de ma cuisse chaque semaine, à partir du jour même. »

Le traitement est loin d’être banal. « Aucun mot n’aurait pu me préparer à ce qui allait se passer […] Pendant que j’étais sous testostérone, ma colère devait s’extérioriser. J’avais l’impression que mon corps allait exploser si je n’arrivais pas à frapper ou à lancer quelque chose, et cela me faisait peur. Pleurer n’était plus une option, car il était presque impossible de pleurer. Lorsque j’étais submergée par les émotions, au lieu de pleurer facilement comme avant, je commençais à me sentir extrêmement en colère, et au lieu de frapper les autres ou tout ce qui m’entourait, je me frappais moi-même. »

Quand Helena réalise que sa transition a été une énorme erreur, sa thérapeute tente de la persuader du contraire. « Elle ne m’entendait pas vraiment, et remettait en question les choses que je disais sous l’angle “tu essaies de te dissuader d’être trans parce que la transphobie te fait te détester”. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à réaliser que quelque chose clochait dans le mouvement trans et dans les institutions en général […] J’ai quitté cette séance avec un sentiment de frustration, et je ne pense pas y être retourné. »

Malgré la pression de sa thérapeute et de son ancien cercle d’amis, la détermination d’Helena de détransitionner est la plus forte. Mais elle ne se fait pas sans difficulté. « À bien des égards, je suis encore en train de m’en sortir […] J’ai dû commencer non pas par agir, mais par me tourner vers l’intérieur et respecter enfin les émotions que j’avais essayé de rejeter et d’étouffer. À chaque fois que j’approfondissais ma compassion envers moi-même, je pouvais ensuite passer à une action qui me permettrait d’avancer dans le monde extérieur. C’est ainsi que s’est déroulé mon processus de guérison et de rétablissement après des années qui n’ont pas seulement été gâchées, mais qui m’ont fait sombrer si profondément que j’ai failli me noyer. »

Helena a pu se sortir sans dommages permanents de la spirale de la transition médicale. D’autres jeunes ayant subi des opérations chirurgicales, ou qui sont devenus stériles suite à ces traitements, n’ont pas eu cette chance. Pouvons-nous au moins les entendre et ne pas banaliser, ni normaliser leurs histoires ?

⁠1Lisez le témoignage d’Helena ⁠2Consultez le forum Reddit sur le détransition ⁠3Lisez le texte « La transidentité sur les rayons jeunesse » ⁠4Lisez l’étude de l’Académie nationale de médecine (France) Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion