Quelle époque... Avant même que la COVID-19 n’ait été complètement éradiquée, c’est à un nouveau péril global que l’humanité doit faire face. On l’a vu au réflexe de sidération, presque d’épouvante, qui a amené 141 pays à l’ONU à condamner l’agression de l’Ukraine par la Russie qui réveillait la peur du cataclysme nucléaire.

Cela dit, quand on y regarde de plus près, cette vision commune apparaît comme un mirage. C’est plutôt de cinq guerres bien différentes qu’il faut parler, selon que l’on vit en Ukraine, en Russie, en Europe, en Amérique du Nord ou dans le reste du monde.

De l’Ukraine à l’Amérique

C’est d’abord en Ukraine que la guerre frappe évidemment le plus fort, cette jeune démocratie libérale étant remartyrisée par la nation-sœur russe. Les mots-clés sont ici courage et succès, les Ukrainiens ayant été capables jusqu’à présent de contrecarrer la volonté de Vladimir Poutine de détruire leur État et d’asservir leur nation.

Ils se découvrent plus que jamais ukrainiens et européens, au prix d’une masse de réfugiés, de morts et de destructions dont on ne peut écarter qu’ils annoncent pire encore. L’Ukraine, son armée, son président incarnent la civilisation démocratique face à ces autoritarismes et ces totalitarismes en progression qui la menacent.

Cette guerre d’un Poutine qui a eu tout faux, ou presque, est également une tragédie pour un peuple russe lui aussi opprimé, qui en payera longtemps le prix dans son prestige, son niveau de vie, sa jeunesse.

Rien n’est sûr alors qu’on ne peut exclure ni une tourmente interne emportant Poutine dans le bruit et la fureur, ni un ralliement des Russes autour du chef de leur nation assiégée.

Cette agression d’une démocratie à ses portes est également une guerre pour l’Europe. Sur le coup, l’affaire lui a redonné une cohésion et un tonus inespérés, l’amenant à imposer à la Russie de sévères sanctions qui feront mal à cette dernière, mais également aux pays européens eux-mêmes. Car ce seront eux qui en paieront de plus en plus le prix si le conflit se prolonge dans une Europe habituée à son confort, sans armée ni gaz, plus que jamais dépendante des États-Unis.

Enfin, dans notre continent nord-américain dont les habitants se sentent protégés par la géographie des conséquences les plus dramatiques de cette guerre, cette dernière est vécue par procuration, un peu comme une téléréalité où l’émotion serait reine. Le prix de l’essence augmente, comme le rôle des États-Unis avec leur éternelle tentation de l’arrogance.

Occident mal aimé

Cela ne laisse pas d’être dangereux, car la large condamnation initiale de l’agression russe en Ukraine par le reste du monde ne saurait faire oublier qu’il n’est pas vrai que la Russie est complètement isolée dans cette affaire.

Parmi les 35 pays qui se sont abstenus lors du vote à l’ONU figurent des poids lourds de la géopolitique et de la démographie mondiales comme la Chine et l’Inde, alors qu’un pays aussi proche des Occidentaux que le Maroc a préféré s’absenter à deux reprises plutôt que d’enregistrer sa condamnation.

La guerre en Ukraine fait ressortir à quel point l’Occident est peu aimé dans le monde, à quel point il existe de la rancune à l’égard de privilégiés dont la sympathie est totale pour une tragédie frappant une nation blanche et chrétienne, leur faisant oublier cette autre guerre, pour des motifs également fallacieux et aux conséquences terribles, que les Américains ont menée en Irak.

Sans parler du Yémen, de l’Éthiopie et du désastre alimentaire en cours au sud de la Méditerranée.

Mais restons positifs. Les puissants alliés de la Russie comme la Chine, qui n’ont aucun intérêt au prolongement du conflit, inciteront peut-être Poutine à la modération, l’aidant possiblement à sauver la face.

Danger nucléaire

C’est une bonne chose face aux messages contradictoires d’une Russie qui nous annonce un jour qu’elle renonce à conquérir l’ensemble de l’Ukraine pour se concentrer sur l’est du pays, mais en bombarde l’ouest le lendemain.

Joe Biden, quant à lui, n’a pas craint de provoquer bêtement Poutine en le traitant de boucher à renverser, sans considération du fait que le président russe a le doigt sur un bouton nucléaire qu’il aura d’autant plus tendance à utiliser qu’il sera acculé au mur. Fort de ses échanges réguliers avec Poutine, Emmanuel Macron a heureusement rectifié le tir.

Car on ne répétera jamais assez que le grand péril commun aux cinq guerres d’Ukraine, un péril de plus en plus banalisé à mesure que le temps passe, reste l’utilisation d’armes nucléaires même de très petite portée à des fins tactiques.

Une fois sauté l’universel tabou prévalant depuis Hiroshima en 1945, le monde entrerait pour longtemps dans une ère beaucoup plus tragique, alors que des pays en conflit larvé comme l’Inde et le Pakistan, Israël et l’Iran sont nucléarisés ou en voie de l’être, comme de plus en plus d’autres.

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