Plusieurs propositions de ce Plan santé font appel à la collaboration entre les professionnels de la santé et au partage des responsabilités pour une plus grande accessibilité au soin. Toutefois, il est assez préoccupant et même paradoxal de constater que les médecins spécialistes, qui sont en grande partie responsables de la situation actuelle en raison de leur contribution insuffisante à la prise en charge hospitalière, passent sous le radar encore une fois.

Au Québec, il y a environ 40 % des effectifs des omnipraticiens qui se consacrent aux tâches hospitalières. Je vous rappelle ce que le Dr Louis Godin, ex-président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), avait dit dans une entrevue : « Il faut arrêter de jouer avec les chiffres. Un médecin ontarien ou albertain prend certes en charge 1200 patients, mais il n’a pas à consacrer 40 % de sa pratique à des tâches en milieu hospitalier. »

Dans le reste du Canada, la charge de travail des omnipraticiens représente de 18 % à 20 % dans leurs activités hospitalières. Si demain matin, on avait la même proportion que dans les autres provinces, on pourrait avoir entre 1500 et 2000 omnipraticiens de plus disponibles pour la première ligne. Imaginez comment l’apport de ces médecins aux autres professionnels pourrait faciliter la prise en charge des 800 000 patients qui sont inscrits sur la liste d’attente.

Avons-nous suffisamment de médecins spécialistes au Québec pour cette prise en charge hospitalière ? Eh oui, nous avons au Québec un ratio médecin spécialiste/population qui est plus important que dans le reste du Canada. Nous avons, au Québec, 126 médecins spécialistes par tranche de 100 000 habitants. Au Canada, c’est 119 médecins spécialistes par tranche de 100 000 habitants.1

Il ne s’agit pas d’exclure tous les omnipraticiens de la pratique hospitalière. Ils sont essentiels, particulièrement dans les petits hôpitaux et dans les régions éloignées, où la masse critique des médecins spécialistes est insuffisante pour assumer cette prise en charge hospitalière. Notons aussi que, dans nos urgences au Québec, l’omnipraticien joue un rôle majeur ; dans les services hospitaliers de gériatrie, d’obstétrique et de soins palliatifs aussi.

Par contre, comment se fait-il que nous retrouvions des omnipraticiens qui font des activités hospitalières dans des hôpitaux de la région de Montréal, de la Rive-Sud, de la couronne nord et même dans la région de Québec, où le nombre de médecins spécialistes est amplement suffisant pour permettre cette prise en charge hospitalière ?

Les populations de ces mêmes régions sont particulièrement touchées par le manque de médecins de famille.

Plusieurs raisons contribuent au maintien du statu quo de cette situation problématique. D’une part, les médecins omnipraticiens hospitalistes aiment cette pratique médicale en milieu hospitalier et, d’autre part, elle s’avère très lucrative. De plus, les médecins spécialistes préfèrent jouer le rôle de consultants plutôt qu’avoir la responsabilité de médecins de garde pour les patients hospitalisés. Pour les deux groupes concernés, il faut malheureusement constater que cette situation répond davantage à leurs besoins et non aux besoins de santé et de suivi de la population.

Honnêtement, je me questionne sur le traitement privilégié que le gouvernement consent, une fois de plus, aux médecins spécialistes. Comment se fait-il que dans un plan qui touche un ensemble de professionnels de la santé, on n’y retrouve aucun objectif qui concerne les médecins spécialistes ? Est-ce que ce groupe de professionnels n’aurait aucun apport de productivité et de pertinence à l’organisation de notre système de santé ? À vous d’en juger considérant leur rémunération.

1. Lisez le rapport de 2018 Comparaisons santé Québec/Canada/OCDE Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion