L’auteur s’adresse à Juliette Taillefer, à la suite de la publication de son témoignage, « Crise climatique : je veux être certaine d’avoir un avenir »1, publié le 6 juillet

Chère Juliette, j’ai lu ta lettre dans La Presse avec beaucoup d’intérêt… et de tristesse. Vois-tu, pour nous de la génération X, lire ton inquiétude, pour ne pas dire ton désarroi, est très affligeant. D’abord parce que la crise climatique actuelle est en grande partie due à notre insouciance et à celle des générations qui nous ont précédés depuis la révolution industrielle.

Ensuite, nous étions les premiers à pouvoir faire quelque chose. Or, lorsque nous avons accédé au marché du travail, nous n’avons pratiquement rien fait. Lorsque nous avons eu accès aux sièges du pouvoir, eh bien nous nous y sommes confortablement assis ! Nous étions pourtant les premiers à être conscientisés aux effets pervers de nos comportements sur l’environnement.

Allez-vous nous pardonner, toi et tes pairs ? Pour vous faciliter la tâche, permets-moi de tenter de te remonter le moral un peu. D’abord, je crois que les changements profonds viendront.

Rappelle-toi tes cours d’histoire : il a fallu plusieurs siècles à l’Occident pour inventer l’État-nation et y établir un régime démocratique. Plus près de nous, jusque dans les premières décennies du siècle dernier, les femmes avaient pour seuls devoirs de procréer et de tenir maison. Elles n’avaient même pas le droit de vote ! Aujourd’hui, ton avenir professionnel est radieux et tes droits sont reconnus. Et comme plus personne n’ignore le marasme écologique dans lequel nous sommes, des solutions prometteuses se pointent déjà ; d’autres, encore insoupçonnées, viendront.

Mais ici, attention aux solutions qui cachent d’autres problèmes. Par exemple, sommes-nous plus avancés si les gens s’établissent en ville dans la foulée de la densification, mais s’évadent rapidement à la campagne (chalet, bateau, roulotte) dès que la fin de semaine et les congés se pointent le bout du nez… en VUS de surcroît ? Ce va-et-vient entre la campagne et la ville n’est-il pas nuisible ? Sommes-nous plus avancés si les gens se procurent une voiture électrique d’ajout plutôt que de remplacement, ou si les investisseurs placent leur argent dans des entreprises sans se soucier de leur bilan ESG (mea-culpa, je suis trop souvent l’un de ceux-là) ? Sommes-nous plus avancés si, dès la levée des mesures sanitaires, nous multiplions urgemment les voyages, les loisirs, les sorties, etc., comme si notre vie en dépendait, alors qu’on pourrait mieux les doser ? Bref, soyons vigilants et surtout cohérents.

Renoncement nécessaire

Suis-je découragé pour autant ? Pas du tout. J’ai confiance en ta génération. Elle sera celle des idées nouvelles, parfaitement consciente des enjeux et des dangers qui nous guettent. Elle sera celle qui aura le courage d’embrasser, entre autres, le renoncement. Renoncer aux maisons surdimensionnées et à tous ces biens et services dont nous pourrions aisément nous passer. Renoncer, aussi, à certains divertissements (équipes de sport professionnel, Jeux olympiques, courses automobiles, festivals…) au profit d’une culture qui puisse s’exprimer sans nécessairement provoquer tant de déplacements ou de consommation. Ta génération sera aussi celle qui abolira l’obsolescence programmée et instaurera le budget carbone et l’écofiscalité. Elle sera celle qui donnera naissance à des bébés qui deviendront des adultes encore plus audacieux et qui inventeront des technologies si performantes que nos percées actuelles auront l’air des plus anachroniques !

Oui, j’ai confiance, Juliette, et ta lettre témoigne de l’éveil collectif que ta génération transformera en actions concrètes et en renoncements nécessaires.

1. Lisez « Crise climatique : je veux être certaine d’avoir un avenir » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion