La Presse a fait l’éloge récemment des ministres Pierre Fitzgibbon et François-Philippe Champagne pour leurs efforts harmonisés et complémentaires à faire la promotion de l’industrie aéronautique du pays dans le cadre du Salon aéronautique de Farnborough. Je suis également de ceux qui nous croient chanceux de pouvoir compter sur ces deux ministres compétents, déterminés et hyperactifs pour faire rayonner l’économie du pays sur la scène internationale. Mais cognent-ils sur le bon clou ?

Nul doute que le Canada et le Québec en particulier sont reconnus au niveau mondial pour leur savoir-faire en matière d’aéronautique. Déjà, en 1969, le Canada était le premier pays à poser pied sur la Lune avec le fameux train d’alunissage confectionné par Héroux Machine Parts Limited (aujourd’hui Héroux-Devtek), à Longueuil. Et que dire de l’Avro Arrow ? Oui, notre industrie aéronautique compte des réussites dignes de notre fierté.

Malheureusement, en y pensant un peu, un questionnement devrait venir à l’esprit.

Ne vaudrait-il pas la peine que les deux ministres redirigent plutôt leurs efforts combinés vers l’écoresponsabilité de l’industrie aéronautique plutôt que sa simple croissance ?

En effet, si nos entreprises réussissaient à vendre davantage de pièces, voire d’aéronefs entiers, c’est que les transporteurs voleraient davantage. Et si tel était le cas, c’est que nous, voyageurs et voyageuses, en redemandons !

Or, une étude récente menée par l’Université de Leeds, au Royaume-Uni, et évoquée par La Presse dans le sillage de la publication du rapport GIEC au printemps, soulignait les incontournables changements au mode de vie occidental pour réduire les émissions de GES. Parmi les pistes de solution, il y avait celle-ci : les gens doivent prendre l’avion pour un court vol (trois heures et moins) au maximum une fois tous les trois ans, et au maximum une fois tous les huit ans pour un vol long.

Lisez « Le GIEC présente ses solutions »

En nous limitant ainsi, il faudrait oublier la croissance du secteur, comme refuser le développement de l’aéroport Montréal–Saint-Hubert de Longueuil, lequel veut attirer de gros transporteurs et offrir des vols bon marché. Ce renoncement est essentiel, même vital, mais ne se fera malheureusement pas sans répercussions négatives dans le secteur de l’aéronautique.

Pourtant, si nous sommes beaucoup à décrier l’industrie pétrolière albertaine et à souhaiter sa conversion vers des énergies plus propres, pourquoi souhaitons-nous la croissance illimitée de notre industrie aéronautique ? Pourquoi l’entrain de nos ministres n’est-il pas dirigé plutôt vers l’écoresponsabilité de notre fleuron ? S’ils sont sérieux avec la lutte contre les changements climatiques, pourquoi nos gouvernements ne tentent-ils pas plutôt de faire d’une pierre plusieurs coups : financer la transition énergétique dans l’aéronautique et la recherche et développement qui la sous-tend, imposer un budget carbone ou des mesures d’écofiscalité aux transporteurs, venir en aide aux travailleurs et travailleuses qui seraient touchés par cette transition et, d’ici à ce qu’on y parvienne, sensibiliser les voyageurs à l’importance de se faire violence en freinant leurs ambitions touristiques ?

Il n’en tient donc qu’à nous.

Avant toute chose, la balle est dans notre camp, nous voyageurs. Attendre l’action gouvernementale ne tient plus, comme attendre son action dans d’autres secteurs, d’ailleurs, qui mériteraient aussi une conversion. Trop peu, trop tard. Il nous faut nous-mêmes renoncer douloureusement à certains plaisirs. Il me semble que renoncer à des déplacements en avion serait l’un de ceux-là.

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