Après la tempête médiatique de ces derniers mois causée par Air Canada et le CN, la problématique du français dans les C.A. n’est toujours pas réglée.

L’enjeu de la langue française (sans laquelle le bilinguisme canadien fait pâle figure) justifie l’instauration d’un quota dans la Loi sur les langues officielles. Les bienfaits de la diversité, serait-elle linguistique, ne sont plus à démontrer. En 2013, le Conference Board soulignait déjà que le bilinguisme est économiquement profitable. Le quota s’impose tellement que le président du comité permanent sur les langues officielles l’a évoqué.

L’effet d’un quota

Pourquoi un quota ? Non seulement parce qu’il produit des résultats, mais encore dans un délai raisonnable. Le sujet de la féminisation dans les C.A. constitue une excellente illustration de l’impact du quota. Alors que la présence de femmes au sein des C.A. et de la haute direction est apparue comme une évidence, les États ont adopté des stratégies différentes pour ouvrir la composition des C.A. des entreprises. Certains ont utilisé la contrainte en fixant un quota ou un nombre de femmes, d’autres ont choisi la voie de la souplesse en utilisant la transparence, et certains ont prôné l’immobilisme. Les années passant, études, rapports et travaux démontrent que les États ayant mis en place des règles contraignantes (notamment sous la forme d’un quota) aboutissent à une plus grande représentation des femmes au sein des C.A. et des hautes directions. À défaut, les C.A. avancent à pas de tortue, même dans des domaines où un consensus se fait. Ayant opté pour la souplesse et une législation de type « appliquer ou s’expliquer », les C.A. des entreprises canadiennes cotées ouvrent leurs portes aux femmes certes… mais bien trop lentement (et pas assez dans les hautes directions).

Les avantages d’un quota

En dépit de sa rigidité, de la transition rapide qu’il impose et de son coût de conformité, le quota ne laisse pas le choix d’évoluer. Cette absence de choix des entreprises est particulièrement pertinente dans les domaines où un changement s’impose. À défaut, les mauvaises habitudes ont la vie dure ! Au Canada, le quota est encore plus pertinent puisque la Loi sur les langues officielles n’impose aucunement que les C.A. comportent des francophones. L’article 36(1)c) de la loi impose uniquement que la haute direction soit en mesure de fonctionner dans les deux langues. Le projet de loi C-13 ne change d’ailleurs pas la donne. Les entreprises ayant des lieux de travail au Québec ou dans les régions à forte présence francophone devront simplement mettre en place un comité chargé d’appuyer la haute direction dans la promotion de la langue française et de son usage. Dans ces conditions, est-il souhaitable de faire reposer la présence de francophones dans les C.A. sur la bonne volonté des entreprises ? Nous en doutons, ne serait-ce qu’en raison de ce que révèlent les justifications données par les entreprises qui se sont vues pointées du doigt. Ces justifications témoignent d’un mépris de la communauté francophone : comment prétendre que l’on ne peut trouver de candidats francophones alors qu’existent au Québec des organismes de formation disposant de listes de candidats ? Ajoutons que dans le cas du CN, son siège social est au Québec, province où le français est la langue officielle.

Quel quota et quel francophone ?

Encore une fois, la thématique de la féminisation montre que le gouvernement fédéral a le choix entre un chiffre (variant en fonction du nombre total de membres du C.A.) et un pourcentage. En tous les cas, il est fondamental que le chiffre ou le pourcentage ne se résume pas à une présence d’apparat d’un(e) francophone. Les francophones méritent de siéger dans les C.A. et ont une plus-value à apporter aux entreprises canadiennes. Les années 1960-1970 sont loin derrière… Le symbole attaché à la langue (et le bagage culturel qu’elle transporte et la différence de points de vue qu’elle apporte) justifie que le quart ou le tiers des membres d’un C.A. soit francophone. Pas moins. Si une proportion d’une moitié traduisait parfaitement le bilinguisme, ce seuil se heurterait sans doute à trop de résistance. La proportion de francophones pourrait aussi dépendre du lieu du siège social. Resterait alors à définir « francophone ». Pour cela, la maîtrise suffisante de la langue française pour soutenir une conversation et rédiger des documents constituerait un critère adéquat. Quitte à introduire un quota dans la Loi sur les langues officielles, le gouvernement devrait songer à en étendre la portée à d’autres secteurs de compétence fédérale comme les banques à charte. Ce ne sont pas toutes les provinces qui sont dotées d’une loi 96.

Si la solution d’un quota est une marche trop haute, le gouvernement fédéral doit être conscient qu’il ne pourra se contenter de garder le silence, encore plus dans le cas d’anciennes sociétés d’État. Le Canada est un pays bilingue et ni les entreprises ni les organes de gouvernance ne font exception. Une solution de repli pourrait être d’imposer aux C.A. la même obligation que la direction : être en mesure de fonctionner dans ces deux langues. C’est sans doute bien moins ambitieux, mais c’est mieux que rien.

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