L’auteure s’adresse aux administrateurs de Glencore Canada, propriétaire de la Fonderie Horne.

Membres du conseil d’administration, nous désirons porter à votre attention des agissements récents de Glencore Canada qui ont mené à la hausse de la norme de nickel dans la province de Québec, Canada.

Dans ce dossier, le gouvernement du Québec a haussé la norme quotidienne de nickel de 14 ng/m3 à 70 ng/m3, et a adopté une norme annuelle de 20 ng/m3. De vives critiques ont été émises par de nombreux groupes de la société civile, inquiets des répercussions sanitaires d’un tel changement. Il importe de souligner que l’ensemble des 18 directions régionales de santé publique du Québec, le Collège des médecins du Québec et l’Association québécoise des médecins pour l’environnement — des institutions et groupes reconnus et crédibles – se sont, quant à eux, complètement opposés à l’augmentation des normes, citant des risques potentiels graves pour la santé des populations.

Le changement de norme est venu à la suite de la demande de minières, dont Glencore, aidée par une vingtaine de lobbyistes1, 2. L’entreprise possède des installations de nickel au port de Québec, à Rouyn-Noranda et au Nunavik — dans la majorité des cas, ces installations sont situées à proximité, voire directement dans des milieux de vie. Nous sommes d’autant plus préoccupés que des données de santé publique montrent déjà un niveau plus élevé de cancers, de maladies respiratoires chroniques, de maladies cardiaques ainsi qu’une espérance de vie plus faible parmi ces populations vivant à proximité des installations de Glencore3, 4.

Différents types de nickel

La décision prise par le gouvernement du Québec dans ce dossier semble reposer sur l’hypothèse non fondée que le type de nickel retrouvé dans l’air au Québec est le même qu’en Europe et qu’en Ontario. Dans ces régions, l’on retrouve principalement du sulfate de nickel, un composé ayant surtout des effets respiratoires. Le gouvernement a même nié disposer d’une étude de spéciation, ce qui est simplement faux.

En effet, une étude signée en 2013 par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques démontre que le nickel ambiant retrouvé au Québec est plutôt un sulfure de nickel, un composé complètement différent du sulfate. Le sulfure de nickel est reconnu pour ses effets potentiellement cancérigènes. C’est d’ailleurs pourquoi l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande une norme annuelle de 3 ng/m3.

Or, la nouvelle norme annuelle du nickel, adoptée par le gouvernement du Québec à la suite des demandes des compagnies minières, dont Glencore, est sept fois supérieure à la recommandation de l’OMS. Une norme dangereuse, c’est le moins qu’on puisse dire.

Outre cette erreur fondamentale, plusieurs autres éléments scientifiques ont contribué à fonder notre avis défavorable à une augmentation des normes de nickel. Nous vous invitons à en prendre connaissance dans le mémoire, que nous avons soumis au gouvernement du Québec en février 2022, avant l’adoption de la hausse de la norme en mai de la même année.

Nous jugeons que la demande formulée par votre entreprise de hausser la norme de nickel au Québec, une demande soutenue par une forte pression de lobbyisme et une apparence de chantage économique, n’est pas éthique. Elle met directement en danger la santé et la vie de populations entières, incluant notamment des populations déjà considérées comme vulnérables. Nous enjoignons à Glencore de cesser dès maintenant de telles pressions sur les gouvernements.

Au cours des dernières années, Glencore a été accusée et reconnue coupable de pots-de-vin, de manipulation de marché et(ou) de fraude par les États-Unis, le Royaume-Uni et le Brésil. Des enquêtes à cet effet sont en cours en Suisse et aux Pays-Bas5, 6. À la lumière de ces malversations survenues dans d’autres pays, nous croyons que la situation au Québec pourrait représenter une opportunité pour Glencore de regagner en crédibilité, si l’entreprise décide de s’aligner avec la science.

Ainsi, afin de protéger la santé et la vie de la population du Québec exposée aux émissions cancérigènes de Glencore Canada, nous demandons à la compagnie de :

  1. couvrir adéquatement toutes ses opérations de manutention de nickel et de tout autre minéral cancérigène ;
  2. d’installer des filtres performants sur ses cheminées afin de capter adéquatement les émissions de particules ultrafines ;
  3. de rénover ses bâtisses et assurer le maintien de celles-ci pour éviter les fuites d’émissions cancérigènes par les interstices ;
  4. de rendre publics et afficher en temps réel les niveaux atmosphériques des métaux mesurés par ses capteurs, notamment ceux du nickel, de l’arsenic, du plomb, du mercure et du cadmium ;
  5. de s’assurer que les capteurs de Glencore mesurent les niveaux atmosphériques de métaux dans les PM10 ;
  6. de soutenir l’adoption d’une norme journalière de nickel à 14 ng/m3 et d’une norme annuelle de 3 ng/m3 au Québec ;
  7. de respecter toute norme du Règlement d’assainissement de l’atmosphère du Québec sans demander de passe-droit pour émettre plus que la norme, notamment en ce qui concerne l’arsenic.

À la suite des différentes condamnations de corruption, nous avons constaté que Glencore a décidé de modifier son conseil d’administration afin de changer sa culture de corruption et de s’engager sur la voie des principes ESG (environnement, société et gouvernance)7, 8. Nous croyons qu’un engagement ferme pour le respect de la santé des populations, suivi d’un plan de mise en œuvre détaillé et transparent, respectant la science et les demandes ci-haut, peut contribuer à faire la preuve du sérieux du virage amorcé par Glencore.

1. Lisez « Norme sur le nickel : le Québec se range du côté des minières » sur le site de Radio-Canada 2. Lisez « Norme sur le nickel : le gouvernement caquiste permet cinq fois plus d’émissions » sur le site de Radio-Canada 3. Consultez le rapport du CISSS de la Capitale-Nationale sur les inégalités sociales de santé dans Basse-Ville et Limoilou–Vanier 4. Consultez le rapport du CISSS de l’Abitibi-Témiscamingue « Données de surveillance de l’état de santé de la population Rouyn-Noranda » 5. Lisez « Glencore Reaches Coordinated Resolutions with US, UK and Brazilian Authorities » sur le site de Glencore (en anglais) 6. Lisez la chronique « Devrait-on se méfier de Glencore ? » sur le site du Soleil 7. Consultez le programme d’éthique et conformité de Glencore (en anglais) 8. Consultez le rapport d’éthique de conformité de 2021 de Glencore (en anglais) Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion