Le 4 août dernier marquait le soixantième anniversaire de la mort de l’icône qu’était Marilyn Monroe. Marilyn est une image à déconstruire.

Moderne et complexe, elle a ouvert de nombreuses avenues aux femmes. Cherchant toujours à améliorer son art, alors qu’elle a atteint une certaine célébrité à Los Angeles, en 1954, elle laisse tout derrière elle afin de suivre des cours avec le directeur Lee Strasberg à New York. Durant la même période, elle a mis sur pied, avec le photographe Milton Greene, sa compagnie de production Marilyn Monroe Productions LLC (MMP).

Fille naturelle dont la mère souffrait de maladie mentale, Marilyn a été placée à l’assistance publique, ce que nous appelons ici la DPJ. À 8 ans, alors qu’elle était sous la garde de l’État, elle a été victime d’agressions sexuelles. Agressions qui tuent l’âme et qui marquent au fer rouge. Elle a été harcelée sexuellement durant des entrevues « canapé » lors desquelles des producteurs et des réalisateurs, qu’elle surnommera « les loups », lui imposèrent des relations sexuelles en échange d’un rôle. Situation qu’elle avait été la première à dénoncer, dès 1953. Dénonciation qui est restée lettre morte jusqu’au mouvement #metoo, mouvement qui a été fondé par une femme noire, Tarana J Burke.

Malgré ses multiples traumatismes ou grâce à eux, Marilyn n’a cessé de se construire et de se reconstruire tout au long de sa vie. Paradoxalement, elle a déconstruit le stéréotype qu’elle a participé à construire, dans le film Les hommes préfèrent les blondes, voulant que les blondes soient niaises et sottes (dumb blond).

Ce stéréotype qui traduit un mépris sournois envers « la blonde » est un symptôme du sexisme de notre société. Joanna Pitman, auteure de l’ouvrage Les blondes, une drôle d’histoire : d’Aphrodite à Madonna, dans une interview donnée à L’Express, remarquait que : « Le personnage de la blonde idiote, qui prit dans les années 1950 aux États-Unis les formes inoubliables de Marilyn Monroe, fut créé par des hommes pour des hommes. Dans le contexte américain de l’après-guerre, cela constituait une tentative d’étouffer le pouvoir grandissant des femmes, “en réduisant la femme à son physique”. »

« Angry Black Woman »

C’est à cela que servent les stéréotypes, à réduire, à enfermer, à limiter et, ultimement, à enlever toute crédibilité à la personne ainsi jugée. Ces stéréotypes ont des effets sur la santé mentale, qui peuvent se manifester par de l’anxiété ou encore des insécurités. Il en va de même pour le stéréotype de l’« Angry Black Woman ».

Ce stéréotype se manifeste dès le moindre mécontentement d’une femme noire. Les insatisfactions, les contestations peuvent être qualifiées à tort de « colère » menant à la diabolisation de la femme noire. Ce stéréotype qualifie et invalide la colère des femmes noires comme étant une « colère » explosive, irrationnelle et effrayante. C’est un des legs de l’esclavage.

En effet, ce système se fondait sur le contrôle non seulement de la vie de ses femmes, mais aussi de leur corps, outil de reproduction. On avait intérêt à ce que ces femmes soient ainsi stéréotypées afin de les maintenir dans un état de subordination, voire d’humiliation.

Ce stéréotype a des conséquences sur le pouvoir de s’exprimer d’un ton fâché ou modéré, exercice normal qui, pour les femmes noires, les rend hyper visibles et menaçantes.

Rappelons que Serena Williams a été la cible de ce stéréotype. En 2018, on lui a imposé une amende à la suite d’une expression véhémente de mécontentement sur le court. Certains qualifient le traitement vécu par la duchesse Meghan Markel, au sein de la royauté anglaise, comme étant une manifestation de ce stéréotype.

Le 5 août dernier, 60 ans après la mort de Marilyn, on a constaté la mort cérébrale d’Anne Heche après un accident mortel dont les circonstances restent à élucider. Elle est morte le 14 août. Anne a également payé la rançon de nombreux stéréotypes. Sa carrière prometteuse s’est brisée en plein vol alors qu’en 1997, elle a le courage de vivre au grand jour une relation homosexuelle avec Ellen DeGeneres, relation qui lui a coûté plusieurs rôles.

Tout comme Marilyn, elle a subi des agressions sexuelles. Son père, homosexuel réprimé, l’a violée alors qu’elle n’était qu’un bébé, lui transmettant l’herpès. Il l’assaillit jusqu’à l’âge de 12 ans. Tout comme Marilyn, elle était trop intelligente pour Hollywood. Tout comme Marilyn, elle était résiliente et elle a réussi à alchimiser sa douleur. Tout comme Marilyn, elle a eu le courage de dénoncer le harcèlement sexuel. En 2018, elle a levé le voile sur son licenciement de chez Miramax, car elle avait refusé de faire une fellation à Harvey Weinstein.

« Si je n’avais pas été abusée sexuellement dans mon enfance, je ne sais pas si j’aurais eu la force de tenir tête à Harvey — et à bien d’autres, d’ailleurs », a-t-elle déclaré au podcast Allegedly … With Theo Von & Matthew Cole Weiss. « Ce n’était pas seulement Harvey, et je le dirai. »

Anne est morte, elle a porté un secret qui nous concerne tous et toutes.

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