Avec la disparition de l’ingénieur Armand Couture, le Québec devient encore un peu plus orphelin des témoins humains de son essor historique des années 1960 et 1970.

Collectivement, je nous encourage à cultiver la mémoire de nos grands bâtisseurs, dont celle de M. Couture. Leur legs, colossal, a façonné le Québec. Cette mémoire, si on l’entretient comme il se doit, continuera à alimenter notre performance sociétale.

Il y a un peu plus de 50 ans naissait le développement hydroélectrique de la Grande Rivière. Pour créer une véritable puissance énergétique, il a fallu, entre autres, construire un immense bassin de 175 000 km2. L’objectif : électrifier notre territoire avec l’eau, une ressource renouvelable.

Où nos bâtisseurs ont-ils trouvé l’audace d’entreprendre ce « projet du siècle », comme on l’a désigné ? C’est la question que je me posais lorsque je réalisais mes stages à la Société d’énergie de la Baie-James (SEBJ), durant mon baccalauréat en génie civil. Je n’ai jamais eu le cran de la leur poser directement, je me la pose donc encore aujourd’hui. La vision et le courage de ces bâtisseurs, qui ont décidé d’oser malgré les incertitudes et l’immense responsabilité du bon fonctionnement de ces infrastructures, doivent continuer d’être une source d’inspiration pour nous tous aujourd’hui.

Les ouvrages gigantesques comme ceux de la Baie-James ou encore le pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, autre grand projet auquel a contribué Armand Couture, ont transformé le génie québécois et l’ont fait découvrir au monde entier.

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Armand Couture, en 2003

Les retombées ont dépassé le seul domaine de la technique, elles ont aussi stimulé le domaine de la haute finance, essentielle aux projets internationaux. Bien sûr, on les réaliserait bien différemment aujourd’hui, mais cela ne diminue en rien leur portée.

L’impact a également été majeur sur la formation en ingénierie au Québec. Durant cette période, nous avons vu les inscriptions en génie civil exploser à Polytechnique Montréal. Les professionnels ainsi formés ont à leur tour fait évoluer la pratique du génie au Québec, notamment en l’enrichissant de nouvelles dimensions environnementales. L’héritage des bâtisseurs s’est ainsi bonifié au fil des générations d’ingénieurs.

Nous devons par ailleurs beaucoup à Armand Couture sur le plan de l’avancement des retombées de la recherche, lui qui a longtemps été à la tête du conseil de l’Institut national de la recherche scientifique (lNRS).

Lorsque l’on se souvient que l’Association francophone pour le savoir (Acfas) célébrera ses 100 ans l’an prochain, on mesure encore mieux l’importance de son apport à l’économie du savoir — ses activités professionnelles ayant marqué un grand pan de cette histoire (plus de 65 ans). Surtout, il a contribué à établir hors de tout doute que les sciences appliquées pouvaient exceller au Québec, en français.

Avec la disparition d’Armand Couture, une page se tourne, mais le grand livre du génie québécois n’est pas près de se refermer.

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