Le décès de Sa Majesté la reine Élisabeth II est survenu (je le rappelle aux distraits) le 8 septembre dernier. Il a donné la possibilité, à tous ceux qui l’ont connue, ou simplement croisée, de livrer leur témoignage avec une larmichette perlant au coin de l’œil.

À titre de titulaire de la Médaille du jubilé d’or de la reine Élisabeth II (que je ne porte jamais) à qui j’ai eu le privilège de serrer la main à deux reprises, je ne voudrais pas être en reste. Je voudrais donc profiter de l’occasion pour parler de la défunte reine (et de moi).

J’ai rencontré la reine pour la première fois quelques jours après son couronnement, lors de son tout premier voyage au Canada.

Le journal où je faisais mes débuts de journaliste m’avait chargé de couvrir l’évènement. Seul un petit groupe de journalistes avait été autorisé à approcher la reine, qui, le plus simplement du monde, a serré la main à chacun de nous.

Il faut croire que ma couverture de l’évènement n’a pas déplu à la royauté, puisque, en guise de remerciements, le jour du départ de la souveraine, son secrétariat m’a fait parvenir une bouteille de champagne que j’ai gardée religieusement dans une armoire durant cinq longues années avant de finir par la sabrer lors d’une grande occasion. Surprise : le champagne avait tourné au vinaigre !

La seconde fois que je me suis approché de la reine (sans lui serrer la main), c’est lors de sa visite à l’hôtel de ville de Montréal dont le maire de l’époque était l’inénarrable Sarto Fournier, l’homme qui s’est fait remarquer au monde entier par son inconduite et sa méconnaissance des règles les plus élémentaires de politesse. En effet, le premier magistrat a osé danser avec la reine, un mégot à la main. (Les méchantes langues diront que si la souveraine ne s’était pas froissée par cette flagrante inconduite, c’est qu’elle commençait déjà à être… légèrement fripée.)

La troisième fois que j’ai rencontré la reine, c’est à Ottawa. Je lui ai serré la main pendant qu’elle m’a dit royalement : « Enchantée de vous rencontrer. » (Elle ne se souvenait incontestablement pas que nous nous étions déjà rencontrés.)

Lorsqu’il lui arrivait de visiter la capitale nationale, la reine séjournait habituellement à Rideau Hall, dans la résidence du gouverneur général. C’est ainsi que le veut la tradition. La reine ne fréquentait jamais les hôtels. Lors d’un de se ses derniers passages à Ottawa, où elle est venue accompagnée de son petit chien, la reine décida d’aller promener celui-ci dans le parc de Rideau Hall.

Ne voulant pas attendre que son coiffeur lui enlève ses bigoudis, la reine les recouvrit d’un simple fichu et, avec son toutou en laisse, poussa allègrement la porte d’entrée principale de la résidence, sans prévenir qui que ce soit et sans se faire accompagner par ses fidèles gardes du corps.

Au bout d’une vingtaine de minutes, la souveraine retourna discrètement à la résidence officielle. Mais plutôt que de repasser par la grande porte, elle choisit de se rendre à l’arrière de la demeure et d’emprunter, en toute modestie, l’entrée de service donnant accès à la cuisine.

Hélas, la porte était fermée. La reine dut donc se résigner à frapper l’huis avec insistance. Soudain, quelqu’un apparut derrière la vitre de la porte, mais, ne reconnaissant pas la mystérieuse visiteuse, refusa obstinément de lui ouvrir. Désireuse de rassurer le prudent employé, la reine lui dit alors, le plus simplement du monde (dans les deux langues) : « Don’t worry, It’s only me ! It’s Liz », « Ne vous inquiétez pas, ce n’est que moi, c’est Liz ! »

La modestie, n’est-elle pas l’art de laisser aux autres le plaisir de découvrir par eux-mêmes la merveilleuse personne que l’on est ?

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