Qu’on le veuille ou non, les effets du confinement, de la distanciation et de l’hégémonie numérique sont là. La pandémie n’a fait qu’aggraver un mal qui rongeait déjà l’école québécoise.

En cette rentrée 2022, comme au sortir d’un ouragan, on prend petit à petit la mesure de l’ampleur des dégâts. Les difficultés d’apprentissage ont été décuplées. C’est dramatique. Je crois que cette pandémie laissera sa trace dans les cahiers de nos enfants pour des années encore. Cependant, j’ai confiance en nos experts. Enseignants, orthopédagogues, éducateurs spécialisés réussiront à adoucir la courbe, l’autre courbe…

La situation qui m’inquiète dans l’immédiat, ce sont les difficultés psychologiques, la santé mentale des enfants et les comportements violents que certains adoptent.

Mes camarades Annie Charland et Claudine Léveillé dénonçaient dernièrement dans La Presse les agressions physiques de la part des élèves envers le personnel de soutien.1

La violence, déjà présente autrefois, s’est décuplée, mais surtout elle s’est étendue.

Décuplée, parce que les enfants vivant des difficultés de comportement vont de plus en plus loin dans les gestes qu’ils posent.

Étendue, parce qu’autrefois on la vivait davantage dans les classes spécialisées. Aujourd’hui, elle est fréquente dans les écoles régulières et apparaît chez des élèves de plus en plus jeunes.

Cette problématique est prioritaire, mais elle a une petite sœur plus discrète. Qu’en est-il des blessures invisibles ? Du traumatisme, de l’épuisement que l’omniprésence et la récurrence de cette violence provoquent ? Qu’en est-il de l’augmentation fulgurante des incivilités envers les adultes, mais aussi entre enfants ? Ajoutez à cela la démotivation et la désillusion de certains jeunes, le désengagement des parents dont la santé mentale est également précaire, vous obtenez une soupe malsaine qui empoisonne davantage un système déjà moribond.

La situation est d’autant plus grave que l’omerta qui règne sur le monde de l’éducation empêche les individus de dénoncer publiquement. Un #claquesurlagueule ou #dévouéemaistannée, semblable au mouvement #metoo serait impensable en éducation. Les lanceurs d’alerte seraient sanctionnés sur l’autel de la sacro-sainte loyauté envers l’employeur.

Les intervenants s’épuisent, s’absentent, sont difficiles à remplacer. Débutants comme expérimentés, plusieurs quittent le navire. Nous perdons chaque jour d’excellents éléments. Ceux qui restent tiennent le réseau à bout de bras, à un ou deux évènements de le lâcher ou d’y laisser leur santé.

Pendant ce temps, on vient nous parler du brossage des dents à l’école. On en fait même un enjeu de santé publique. Cette dichotomie témoigne de l’incommensurable déconnexion de nos dirigeants par rapport au terrain. Elle est aussi une claque au visage. Tu reçois des coups, ta santé psychologique est affectée également ? J’entends ce que tu dis ! Maintenant, parlons du brossage des dents.

Le problème est systémique. Et même si notre premier ministre n’aime pas ce mot, il va falloir regarder les choses en face. Tout est à reconstruire. Non, je ne parle pas de réingénierie ou de méthode Barrette. Cette fois-ci, je suggère que l’on consulte les gens sur le terrain, qu’on les écoute et pas seulement qu’on les entende.

Je propose des états généraux de l’éducation auxquels seraient conviés les syndicats, les gestionnaires, mais aussi les employés de façon individuelle, les parents et bien sûr… les élèves.

On n’améliorera pas le réseau de l’éducation sans le concours des gens qui vivent dans les écoles chaque jour. Il faut un changement sociétal : le retour du respect envers le personnel scolaire. Cela commence par des dirigeants qui nous reconnaissent et prennent en compte notre apport indispensable et essentiel.

1. Lisez le texte de Louise Leduc : « Le personnel de soutien des écoles particulièrement exposé à la violence » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion