L’auteur réagit au texte de Suzanne Colpron, publié 30 octobre, sur les pouvoirs du Québec en matière d’immigration⁠1

L’article publié en réponse à cette question par la journaliste Suzanne Colpron est à la fois honnête et bien documenté. Il y manque toutefois deux informations importantes.

La première touche les immigrants temporaires, soit les étudiants et travailleurs étrangers recrutés par les universités, les collèges et les entreprises pour combler leurs besoins. Ces candidats à l’immigration temporaire échappent à la grille de sélection appliquée d’emblée par le Québec à ses immigrants permanents. Mais le Québec n’est pas sans recours pour autant. En vertu de l’article 42 de l’Entente McDougall-Gagnon-Tremblay, il possède un droit de veto sur l’entrée de ces immigrants étrangers en territoire québécois. Car, comme l’affirme à juste titre le professeur Jean-Pierre Corbeil, cité par Mme Colpron : « Le fédéral ne peut pas accorder de permis d’études à une personne qui n’est pas inscrite dans un établissement désigné par le ministère de l’Enseignement supérieur du Québec, et ne peut pas accorder de permis d’études à une personne qui n’a pas de Certificat d’acceptation du Québec. »

Au lieu de laisser les universités, collèges et entreprises sélectionner ces immigrants temporaires en fonction de leurs seuls besoins corporatifs, le gouvernement du Québec pourrait ajouter ses propres critères d’ordre collectif touchant l’apprentissage de la langue française en imposant à ses immigrants temporaires l’obligation d’inscrire leurs enfants à l’école française, obligation que la loi 101 impose aux immigrants permanents. Il pourrait aussi imposer un test de français aux étudiants qui demandent la résidence permanente ou plafonner, si nécessaire, le nombre d’étudiants inscrits aux collèges et universités anglophones du Québec. Il suffirait qu’il en convienne au sein du Comité de concertation inscrit dans l’Accord Canada-Québec.

La deuxième information omise touche les paiements de transfert que le fédéral verse au Québec pour : 1) assurer la francisation des immigrants admis dans la province ; 2) encourager financièrement la province à recruter une proportion du flux migratoire canadien jugé nécessaire à la préservation de son poids démographique au sein de la fédération canadienne.

Ces paiements de transfert, qui dépassent les 650 $ millions pour l’année en cours, sont modulés en fonction de deux facteurs :

1) plus le nombre d’immigrants à franciser au Québec augmente, plus le transfert s’accroît ;

2) plus le Québec s’approche du seuil d’environ 25 % du flux migratoire canadien, plus le transfert se montre généreux. De ces deux types d’indexation, le Québec n’a profité que du premier, car les seuils migratoires qu’il s’est fixés bon an mal an depuis 1991 n’ont jamais atteint les 20 % du flux migratoire canadien.

L’Entente McDougall-Gagnon-Tremblay a été signée dans la foulée de l’Accord du lac Meech, et dans cet accord, le gouvernement Mulroney s’efforçait d’aider le Québec à franciser ses immigrants et à préserver son poids démographique au sein de la fédération canadienne. Je doute que pareille entente serait aussi généreuse si le Québec demandait à la renégocier avec les autorités fédérales actuelles. Heureusement pour le Québec, l’Entente McDougall-Gagnon-Tremblay est solidement verrouillée. Elle ne peut en effet être ouverte que si les deux parties s’entendent à l’avance sur la façon de la refermer.

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