En réponse à l’article d’Isabelle Dubé, « Santé et sécurité au travail : la catastrophe, on la sent venir » ⁠1, publié le 1er novembre

Plutôt troublant de lire dans l’article d’Isabelle Dubé, paru dans La Presse, les arguments alambiqués des associations d’employeurs du secteur de la construction voulant retarder l’entrée en fonction des représentants en santé et sécurité (RSS), prétextant leur manque de formation. Selon eux, leur entrée hâtive entraînerait une « catastrophe »… rien de moins !

Difficile de les prendre au sérieux quand tout le monde dans le milieu le sait bien : la catastrophe, on la vit déjà. N’est-ce pas une catastrophe que de perdre sa vie en travaillant ? Faut-il rappeler qu’en 2021, c’est 71 personnes qui sont mortes après avoir travaillé sur un chantier ?

C’est quand même ironique de prétendre qu’améliorer la prévention des accidents de travail constituera une catastrophe ! La vraie catastrophe, c’est le bilan des décès et des lésions professionnelles dans la construction. Pourquoi n’ont-ils pas déchiré leur chemise à ce sujet-là… ça nous apparaît pas mal plus important ! Mais encore là, les employeurs ne semblent pas avoir de sentiment d’urgence.

La réalité est triste et simple : les employeurs voient le RSS comme une personne qui ralentit les travaux du chantier et, pour eux, c’est synonyme de perte d’argent. Pour nous, ça veut dire des vies sauvées.

La nouvelle fonction prévue dans la récente loi en santé et sécurité (LMRSST) a pour objectif d’assurer que les chantiers du Québec soient sécuritaires, et le cas échéant, de veiller à ce que le maître d’œuvre et les employeurs présents sur les chantiers du Québec ne mettent pas à risque les travailleurs et les travailleuses du secteur. Selon la loi, les RSS devront être nommés en janvier 2023 avec une obligation de formation en janvier 2024. Ce qui leur laisse un an. Un délai que nous jugeons absolument raisonnable.

Formation

Il est vrai que la formation est nécessaire, mais il ne faut pas oublier que les travailleurs et travailleuses connaissent déjà très bien leur milieu de travail et qu’ils savent ce qu’il faut corriger sur leur chantier. Pourquoi mettre des bâtons dans les roues de la prévention en retardant l’entrée en fonction des RSS ? Il y a le feu dans la cabane et les employeurs bloquent l’accès aux pompiers !

D’ailleurs, les syndicats offrent tous déjà de la formation, mais pour les employeurs, elle n’est pas suffisamment « neutre » pour être offerte à tous les RSS à temps complet qui entreront en fonction le 1er janvier. Pourtant, le RSS ne travaille pas pour l’employeur ; il représente l’intérêt des travailleurs et des travailleuses. La formation des syndicats sera ajustée aux normes de la CNESST (Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail) quand elles seront transmises aux différents groupes, mais il ne faut surtout pas retarder l’entrée en fonction des RSS pour faire faire des économies aux patrons ! Le bilan nous semble suffisamment désastreux pour comprendre cela !

Ça fait 40 ans que la FTQ exige la présence de représentants à la santé et à la sécurité sur tous les chantiers du Québec. Ça fait 40 ans que les représentants patronaux font tout pour empêcher leur présence sous des prétextes économiques et idéologiques nébuleux. Pour tous les travailleurs et travailleuses qui sont morts en travaillant pour ces patrons, c’est déjà trop tard. Il faut que les travailleurs et les travailleuses de la construction au Québec aient finalement des personnes qui les représentent et qu’ils aient finalement une voix pour leur santé et leur sécurité sur les chantiers au Québec. On est prêts. Nous ne pouvons plus attendre.

1. Lisez le texte d’Isabelle Dubé Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion