À travers tous les reportages et les articles sur la guerre en Ukraine, les conflits armés en Afghanistan, au Yémen et ailleurs dans le monde, l’utilisation des mines antipersonnel est rarement mentionnée. Il aura fallu que des combattants canadiens volontaires engagés par l’armée ukrainienne confessent leurs troubles de placer de tels engins pour que cette réalité fasse la une de La Presse en août dernier.

Des stratagèmes morbides sont toujours présents pour dissimuler des mines dans les parcs, dans les maisons abandonnées par les familles en déroute ou même dans les cadavres. On a vu les plages d’Odessa interdites aux populations locales pour des raisons de sécurité.

L’utilisation de ces engins de guerre sournois aux impacts funestes enfouis dans le sol qui explosent souvent bien longtemps après la fin des conflits, au moment où l’on ne s’y attend plus, ne peut passer sous silence. Aujourd’hui, on en compte encore des millions, dissimulés dans les pays victimes de la guerre, prêts à exploser.

Plusieurs de nos concitoyens, chez nous, au Québec et au Canada, viennent de ces pays où la guerre a fait des ravages terribles. Nous vivons ensemble en imaginant à peine leurs parcours.

Les mines ont causé plus de 7000 victimes directes en 2020, soit 2492 morts et 4561 blessés pour être plus précis. Près des deux tiers des victimes doivent désormais vivre avec des séquelles permanentes.

En moyenne, cela représente une vingtaine de victimes des mines antipersonnel chaque jour. De ce nombre, environ 80 % sont des civils, dont 50 % sont des enfants.

Après l’urgence humanitaire, on ne peut laisser derrière soi les victimes mutilées, blessées pour la vie : il faut leur fabriquer des prothèses pour remplacer leurs membres manquants, pour leur donner une chance de reprendre le cours de leur vie. À l’époque, et encore aujourd’hui, Humanité et Inclusion est la seule organisation qui a pour mission spécifique de demeurer sur le terrain pour porter assistance à ces victimes qui doivent dorénavant vivre avec un handicap.

Et parce que nous sommes indignés et que nous voulons durablement changer le cours des choses, nous déployons depuis 40 ans des efforts soutenus en prévention et en plaidoyer en faveur des droits des personnes en situation de handicap.

C’est la raison pour laquelle, dans les années 1990, nous avons milité au sein de la Campagne internationale pour bannir les mines antipersonnel. La Campagne a culminé par la signature du Traité d’Ottawa, il y a 25 ans le 3 décembre, sous le leadership éclairé du ministre canadien des Affaires étrangères de l’époque, Lloyd Axworthy. Notre détermination de tous les instants nous a permis, avec nos partenaires de l’époque, de recevoir le prix Nobel de la paix en 1997.

Après que plus de 70 pays, dont le Canada, réunis à Dublin, ont ratifié le 18 novembre dernier une entente historique pour interdire les bombardements des zones civiles peuplées, Humanité et Inclusion Canada se sent particulièrement interpellée pour réaffirmer l’importance de souscrire aux règles convenues dans le Traité d’Ottawa. Nous ne pouvons et ne devons pas rester indifférents aux transgressions du Traité, notamment aux nouvelles utilisations de mines antipersonnel en Ukraine. C’est une question d’humanité.

L’an dernier, nos 5000 équipiers ont porté assistance en déploiement logistique, en urgence, en réhabilitation, en réinsertion sociale à plus de 12 millions de bénéficiaires dans le monde. L’actualité défile et passe, mais les mines restent malheureusement. Faisons en sorte que les efforts de 1997 ne demeurent pas vains.

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