Les débats qui guettent le monde de l’éducation dévoilent des perceptions et des compréhensions divergentes à l’égard de certains concepts ou phénomènes. La question du bulletin, débattue récemment dans l’actualité, n’y fait pas exception.

Le contexte

La dernière réforme éducative nous a conduits vers une évaluation par compétences. Les bulletins scolaires, au nombre de trois par année, sont alors constitués de cotes. Ce format de bulletin est dès lors contesté. Résultat : retour du bulletin chiffré et de la moyenne. Durant la pandémie liée à la COVID-19, deux bulletins plutôt que trois sont exigés afin de donner plus de flexibilité aux personnes enseignantes dans leur évaluation. Le débat qui a cours actuellement, alimenté par des acteurs souhaitant le retour à deux bulletins et par certains questionnant la pertinence des notes chiffrées, occulte de réels enjeux liés à l’évaluation des apprentissages.

Le bulletin

La fonction première du bulletin est d’informer les parents et les élèves des progrès relatifs aux apprentissages réalisés en classe (MELS, 2003). Les moments de diffusion des bulletins sont importants parce qu’ils permettent de mettre en place – au besoin – une variété de moyens visant à soutenir les apprentissages des élèves. Or, en 2023, avec la multiplication des plateformes numériques mises à la disposition des personnes enseignantes pour partager des informations aux parents, le bulletin n’est plus le seul outil pouvant remplir cette fonction de communication. Il n’y a donc plus lieu de le réfléchir exclusivement à travers cette fonction.

Les dérives

De nombreux acteurs scolaires associent la production du bulletin à une pression managériale visant à rendre compte des apprentissages des élèves à un moment imposé. Nous relevons au moins trois difficultés concernant l’émission des bulletins scolaires dans leur forme actuelle :

  • La validité du jugement exprimé : la personne enseignante ne consigne pas et n’observe pas toujours suffisamment de situations dans lesquelles l’élève a eu l’occasion de démontrer de façon autonome les compétences visées en vue du premier bulletin ;
  • Le caractère formel du bulletin : le bulletin peut, dans certaines situations, créer un sentiment d’injustice tant chez l’élève que chez la personne enseignante. D’une part, chez l’élève qui peut avoir une impression de manque de cohérence entre les commentaires reçus en cours d’étape et la note obtenue au terme de celle-ci. D’autre part, chez la personne enseignante qui voit le résultat aux épreuves ministérielles s’immiscer dans l’exercice de son jugement professionnel quant à l’atteinte des compétences par l’élève au terme de l’année scolaire ;
  • La fabrication du résultat final : la note qu’obtient l’élève en juin (somme des notes associées aux bulletins précédents) ne concorde pas forcément avec celle que voudrait communiquer la personne enseignante au moment de réaliser le bilan de l’année scolaire concernant l’atteinte des compétences par l’élève.

Une réflexion de taille est nécessaire à l’égard de l’évaluation au Québec. Si le débat sur les bulletins dévoile surtout des questionnements sur l’évaluation des apprentissages, ne faut-il pas rappeler que les informations qu’ils permettent de recueillir servent aussi à informer les décideurs publics de la performance du personnel scolaire, des écoles, voire des centres de services scolaires ? N’y a-t-il pas ici un risque de dénaturer – en vertu de la reddition de comptes – la mission de l’école visant la réussite éducative pour tous ?

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