Dans l’émission Tout le monde en parle du dimanche 19 février 2023, la ministre Sonia Bélanger et l’animateur Guy A. Lepage ont échangé concernant l’ouverture à l’aide médicale à mourir (AMM) aux personnes en situation de handicap.

L’animateur a notamment évoqué les patients souffrant de sclérose en plaques. Mais cet exemple ne reflète pas la réalité. Quelques précisions médicales, juridiques et pratiques s’imposent. En effet, les personnes souffrant d’une maladie neurodégénérative, comme la sclérose en plaques, la sclérose latérale amyotrophique (SLA) ou le parkinson, pour les plus connues, sont admissibles à l’AMM depuis mars 2021 en tant que « maladies » graves et irréversibles. Elles n’entrent pas dans le cadre du « handicap ». Ce dont il est question avec l’évolution de la loi, ce sont les handicaps moteurs existant dès la naissance par exemple ou, autre exemple, à la suite d'un accident avec paraplégie. Or, il importe de préciser que, malgré l’avancée que présente le projet de loi 11 sur d’autres sujets, les personnes touchées par ce type de handicap ont déjà le droit de demander une évaluation en vertu de la loi fédérale.

Rappelons les faits. Actuellement, l’article 241 du Code criminel intègre, parmi les bénéficiaires potentiels de l’AMM, les personnes touchées par une « maladie, affection ou un handicap », en accord avec la décision historique du 6 février 2015 de la Cour suprême du Canada. Ce n’est pas le cas de la loi 2 du Québec, qui évoque seulement les cas de « maladie ». Cela s’explique parce que la loi québécoise a été adoptée en juin 2014, soit avant la décision de la Cour et avant l’adoption de la loi fédérale, deux ans plus tard.

Heureusement, pour clarifier la situation, une directive datée de mai 2021 du Collège des médecins du Québec, organisme régulateur, a informé tous les médecins praticiens de l’AMM de la légalité de procéder à une aide médicale à mourir pour les personnes touchées par un handicap, et ce, en s’appuyant sur le Code criminel.

Néanmoins, parce qu’elle subsiste, la différence de terminologie sème perpétuellement des doutes concernant les personnes autorisées à recevoir l’aide médicale à mourir. Elle génère une distinction de droits entre les Québécois, dont l’accès à l’AMM semble restreint, et tous les autres citoyens canadiens. En tant que praticien de l’aide médicale à mourir, je constate régulièrement que ce sujet de sémantique sur le handicap pèse sur les patients : nombreux sont ceux qui doutent de leur droit à accéder à l’aide médicale à mourir.

Il y a un an, j’écrivais déjà à ce sujet aux ministres de la Santé et de la Justice québécois, dans une lettre ouverte repartagée par La Presse1. Dans ce contexte, il faut simplement que la loi du Québec soit harmonisée avec la loi fédérale. C’est ce que propose le projet de loi 11 présenté par la ministre Bélanger, en intégrant la notion de handicap à la loi. Si ce texte passe, le débat sémantique sera donc enfin résolu.

* Neurochirurgien et praticien de l’aide médicale à mourir

1. Lisez la lettre « AMM : la sémantique pèse sur les droits des patients » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion