La lettre s’adresse au ministre de l’Éducation, Bernard Drainville.

Monsieur le Ministre de l’Éducation, en avril 1963, il y a donc 60 ans ce mois-ci, la Commission royale d’enquête sur l’enseignement remettait son premier rapport à Jean Lesage, alors premier ministre du Québec.

Véritable geste révolutionnaire à l’époque, le rapport Parent – du nom du président de la commission – proposait de créer un ministère de l’Éducation afin, entre autres, de permettre à l’État québécois de prendre en charge l’ensemble des écoles du Québec, et surtout, de mettre un terme à la mainmise de l’Église catholique sur l’éducation.

La mise en place des recommandations du rapport Parent a véritablement fait entrer le Québec dans la modernité, entamant un cycle qui allait démocratiser l’enseignement et permettre à des milliers de jeunes d’avoir accès gratuitement à une éducation de qualité, sur l’ensemble du territoire québécois. Je rappellerai également que c’est dans la foulée de ces rapports (il y en a eu cinq) que les écoles polyvalentes, les cégeps et les Universités du Québec ont été créés. Un système d’éducation cohérent et intégré. À la québécoise.

Soixante ans plus tard, qu’en est-il donc de la situation de l’éducation au Québec ? Force est de constater que depuis quelques années les mauvaises nouvelles s’accumulent et que des problèmes refont surface à peu près chaque semaine.

Écoles vétustes, décrochage scolaire, problèmes de financement, manque de personnel, remise en question des programmes de formation des futures enseignantes et futurs enseignants, mauvaise qualité du français des élèves, école à trois vitesses ou ségrégation scolaire ne sont là que quelques exemples des écueils régulièrement identifiés.

Pendant ce temps, le Conseil supérieur de l’éducation multiplie les études. Des chercheurs se penchent sur ces nombreuses difficultés. Des milliers de personnes s’échinent quotidiennement en classe et hors classe afin d’assurer le meilleur cheminement scolaire possible pour nos enfants. Mais le portrait continue d’être alarmant. Que faire alors ?

Une nouvelle commission Parent ?

Monsieur le Ministre, au cours des derniers mois, de nombreuses voix se sont élevées, demandant au gouvernement de mettre en place une véritable réflexion collective sur l’éducation. Une commission Parent 2.0 ? Pourquoi pas ? Diverses organisations ont lancé cet appel. Des intellectuels comme Claude Lessard, Céline St-Pierre, Georges Leroux et même Guy Rocher, membre de la commission Parent dans les années 1960, ont tour à tour pris position en faveur d’une telle réflexion collective. Des chroniqueurs ou des journalistes tels que Normand Baillargeon et Marie-Andrée Chouinard du journal Le Devoir militent en faveur de cette idée. Pourquoi ne pas répondre positivement à cet appel ?

En attendant, face à l’entêtement de votre gouvernement, des organisations citoyennes ont décidé d’unir leurs voix afin de lancer cette réflexion collective à propos de l’éducation au Québec.

Depuis quelques semaines déjà, et pour quelques mois encore, les forums citoyens « Parlons éducation » se tiendront dans diverses villes du Québec afin d’échanger sur des thèmes aussi variés que « la mission de l’école d’aujourd’hui et de demain, l’inclusion sociale et culturelle de toutes les populations scolaires ou encore la démocratisation du système scolaire québécois dans toutes ses composantes ».

Le personnel scolaire, les organisations citoyennes, les élèves, les organisations syndicales et communautaires, les jeunes, les parents, les grands-parents, celles et ceux qui ont à cœur l’éducation y sont conviés.1 Des pistes de solution émergent et des énergies se déploient lors de ces rencontres. Saurez-vous tendre l’oreille, Monsieur le Ministre ?

Au-delà d’un plan

Un ancien camarade syndicaliste utilisait souvent une image pour témoigner de son découragement quant à la possibilité de véritables changements en éducation au Québec. Il me répétait régulièrement que, depuis trop d’années au ministère de l’Éducation, le changement c’est : « Un trou, une ch’ville. Un trou, une ch’ville. Un trou, une ch’ville ». Une image forte, mais malheureusement tellement près de la réalité.

Monsieur le Ministre, dans une ancienne vie pas si lointaine, où nous nous sommes passablement fréquentés, vous rêviez grand pour le Québec. Très grand même. Aujourd’hui, vous pourriez faire la différence en mettant en place une véritable réflexion collective qui va au-delà d’un énième plan concocté au ministère ou dans les officines du gouvernement.

Vous souhaitez faire entrer l’éducation au XXIe siècle ? Allez-y, voyez grand, Monsieur le Ministre.

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