La fermeture du chemin Roxham n’empêchera pas les personnes migrantes de rechercher la sécurité, mais elle les obligera plutôt à emprunter des itinéraires encore plus dangereux. Cette décision fait partie d’une politique globale de resserrement des frontières nord-américaines, accentuant la vulnérabilité des personnes qui auraient pourtant grand besoin de protection.

Chaque jour et dans le monde entier, Médecins Sans Frontières (MSF) et Médecins du Monde (MdM) viennent en aide à des personnes migrantes qui sont prêtes à risquer leur vie pour gagner des lieux plus sûrs, car elles sont menacées dans leur pays d’origine. Au cours de leur périple, elles doivent souvent faire face à de dures épreuves, et beaucoup d’entre elles se voient finalement refuser la protection qu’elles recherchent. Ces trajectoires ne sont pas le fruit du hasard : elles découlent directement de politiques conçues pour écarter, refouler et criminaliser les personnes considérées comme non autorisées sur un territoire donné, même celles qui se trouvent dans des conditions précaires extrêmes.

La fermeture du chemin Roxham repose sur l’hypothèse non avérée que les demandeurs d’asile qui se voient refuser l’accès au Canada seront protégés aux États-Unis. C’est la base de l’Entente sur les tiers pays sûrs (ETPS), qui inclut désormais les passages frontaliers irréguliers, tels que le chemin Roxham. Toutefois, la politique américaine à l’égard des personnes migrantes se durcit, et il n’est pas du tout certain que celles et ceux qui sont interdits d’entrée sur le sol canadien verront leur demande d’asile traitée aux États-Unis.

En effet, l’administration Biden a pris des mesures pour restreindre l’accès à son territoire par sa frontière sud, notamment en continuant d’utiliser abusivement le Titre 42 pour bloquer et expulser les personnes migrantes et les demandeurs d’asile.

D’expérience, MSF et MdM savent que les politiques migratoires restrictives exacerbent les besoins en santé des personnes en transit. En 2022, les équipes médicales de MSF au Mexique ont pris en charge plus de 44 000 personnes migrantes et réfugiées, dont beaucoup sont restées bloquées à la frontière américaine, souffrant de maladies ou de traumatismes physiques ou psychologiques, y compris ceux résultant d’agressions sexuelles. À El Paso, au Texas, MdM offre des services de santé aux personnes migrantes qui parviennent à franchir la frontière et arrivent à la clinique souffrant de maladies liées à la chaleur après avoir traversé un environnement désertique.

Les besoins médicaux ont également augmenté en raison d’une croissance alarmante du nombre de chutes de personnes qui se risquent à escalader le mur de 10 mètres marquant la frontière entre les États-Unis et le Mexique, et qui a été prolongé en 2020.

MdM et MSF ne savent que trop bien que les personnes fuyant la violence dans leur pays d’origine prennent des risques énormes en quête de sécurité. Nous sommes témoins de cette réalité à l’échelle mondiale, notamment en Méditerranée, où des personnes risquent la noyade en tentant la traversée dans l’espoir d’obtenir l’asile en Europe ; et aussi sur les routes migratoires d’Amérique centrale, le long desquelles les populations sont fréquemment volées et agressées par des gangs placés en embuscade.

Ces leçons nous montrent que la fermeture du chemin Roxham n’empêchera pas les gens de rechercher la sécurité qu’ils ne trouvent plus dans leur pays d’origine. Elle les obligera seulement à emprunter des itinéraires plus dangereux. D’un point de vue humanitaire, élargir le champ d’application de l’ETPS est absurde.

Le nombre de personnes déplacées de force est sidérant. En 2022, il a dépassé le cap des 100 millions de personnes – le plus grand nombre jamais atteint. Le Canada a fait preuve de compassion par le passé en accueillant des réfugiés venant d’Ukraine, de Syrie, d’Afghanistan et de bien d’autres pays, en réponse à la violence qui les avait forcés à quitter leur foyer. Le Canada peut certainement faire mieux que refouler les quelques dizaines de milliers de personnes qui ont tout risqué pour atteindre sa frontière sud.

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