Les consultations publiques sur les langues autochtones que tient à partir du 1er mai le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière, pourraient sembler une bonne idée, puisqu’elles visent à proposer un projet de loi visant la protection de nos langues ancestrales. C’est toutefois une « fausse bonne idée », puisque la démarche est menée au mépris de nos droits inhérents à l’autodétermination et à l’autonomie gouvernementale.

Cet exercice mis en œuvre sans nous avoir consultés au préalable nous amène (encore une fois !) à nous rendre à l’évidence : le gouvernement du Québec continue d’ignorer les Conseils des Premières Nations et d’agir sans tenir compte de nos droits et de la réalité linguistique de nos peuples. Et ce, en dépit de nos nombreuses tentatives pour être entendus, malgré nos représentations auprès du ministre, malgré nos sorties publiques où nous avons fait part de nos préoccupations, malgré nos maintes recommandations soumises officiellement au gouvernement du Québec et, surtout, malgré le fait que nous formons des gouvernements de plein droit avec la responsabilité de légiférer à l’égard de nos langues.

L’expression « de Nation à Nation » ne doit pas être vide de sens. Si le Québec veut la respecter, il devrait convenir de ne pas légiférer sans l’accord des gouvernements de nos Nations.

C’est la raison pour laquelle l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), conjointement avec le Conseil en Éducation des Premières Nations (CEPN), a décidé de déposer une demande de contestation judiciaire devant la Cour supérieure du Québec relativement à la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, adoptée le 25 mai 2022.

Le projet de loi 96, maintenant appelé Loi 14, porte atteinte aux droits ancestraux de nature générique dont sont titulaires les peuples autochtones. Cette loi contribue directement à aggraver les obstacles à la réussite et à la poursuite académique et professionnelle des apprenants autochtones.

Notre contestation judiciaire vise 14 articles de la Charte de la langue française. Ces 14 articles portent atteinte aux droits ancestraux à l’autodétermination et à l’autonomie gouvernementale en matière d’éducation, ainsi qu’aux langues et aux cultures des Premières Nations.

Nous croyons que les Peuples autochtones sont les mieux placés pour décider des mesures requises pour offrir une éducation culturellement adaptée à leurs membres. L’extinction de nos langues n’est guère acceptable.

De plus, si le Québec veut être un allié dans la protection des langues ancestrales de nos Premières Nations, il n’a pas besoin de légiférer. Il peut simplement fournir les ressources qui sont nécessaires par l’entremise des différents ministères ou organismes concernés, comme le ministère de la Culture et des Communications. En ce qui nous concerne, l’aventure du ministre Lafrenière est une opération de relations publiques, un « show de boucane » qui porte atteinte à notre droit inhérent à l’autodétermination.

En vertu de ce droit, en juillet dernier, le CEPN a signé une entente régionale en matière d’éducation avec le gouvernement fédéral. Cette entente comprend un financement de 4,6 millions de dollars par année consacré aux langues autochtones et aux cultures en éducation préscolaire, primaire et secondaire des écoles membres du CEPN. Ce droit à la langue constitue un droit ancestral reconnu et confirmé par l’article  5 de la loi constitutionnelle de 1982, et l’une des raisons motivant les Premières Nations à contester les consultations publiques sur les langues autochtones organisées par le ministre Lafrenière.

Nous le répétons et défendrons toujours le droit à l’autodétermination de nos peuples, ainsi que le droit à l’autonomie gouvernementale en éducation, une prérogative des Premières Nations et non du gouvernement provincial.

Nous tenons à préciser que notre démarche ne remet aucunement en question l’importance du français pour le peuple québécois. Tous, nous reconnaissons l’importance vitale qu’a la langue française pour l’identité québécoise. De la même manière que nous espérons que les Québécois reconnaissent l’importance de nos langues pour l’identité propre à chacune de nos Nations.

Il est temps que le gouvernement du Québec entende raison et cesse ses méthodes d’un autre siècle et travaille avec les Premières Nations dans une véritable relation d’égal à égal, de Nation à Nation.

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