Une plus grande protection du public et une meilleure garantie d’un enseignement de qualité passent par une reconnaissance d’un ordre professionnel, ou l’équivalent, des enseignants fondé sur leur compétence et leur capacité de contrôler et de promouvoir la qualité de leurs actes.

Les représentants syndicaux s’étant toujours farouchement opposés à la création d’un ordre professionnel, commençons par faire les distinctions qui s’imposent.

Dire que la qualité de l’enseignement résulte de l’amélioration des conditions de travail et que la protection du public s’en trouve ainsi assurée est parfois vrai. Faut-il avoir un grand sens de l’observation pour y voir un discours stratégiquement utile, moins pour protéger le public que pour obtenir son appui ? De toute façon, ce n’est pas le but de la reconnaissance syndicale.

Il faut rappeler qu’en Amérique du Nord comme dans les autres pays occidentaux industrialisés, le droit du travail est issu directement du libéralisme économique et en partage toujours les postulats, à savoir ceux d’une structure de pouvoir ; que le Code du travail apprivoise ce rapport de forces ; que si, en théorie, le syndicalisme se veut un agent d’amélioration des conditions de travail de ses membres et de transformation sociale, nos lois du travail ne reconnaissent et n’organisent que le premier des deux rôles ; que la responsabilité légale et très efficacement assumée par l’association syndiquée est de défendre ses membres et non de protéger le public, à telle enseigne qu’elle peut être poursuivie pour ne pas s’être acquittée de cette obligation.

Ces constats ne conduisent pas à remettre en question ni la justification de l’association syndicale ni la pertinence de son action, mais à réaliser que la responsabilité de protéger les droits du public ne lui est pas dévolue, mais entre souvent en contradiction avec ses premières obligations.

Un vide à combler

Disposons d’abord d’une objection au projet d’ordre professionnel : si le syndicat n’est pas imputable de la protection du public, l’employeur l’est. Il n’y a donc pas de vide. C’est oublier qu’en pratique, la législation, la réglementation, voire la culture des relations de travail aidant et les rapports employeur-employé s’épuisent souvent dans des rapports patronaux-syndicaux et que la responsabilité théoriquement confiée à l’employeur d’assurer la qualité du service d’enseignement doit presque toujours s’exercer à travers l’application de conventions collectives, par définition soumise à la dialectique des relations de travail qui ne répond pas toujours aux exigences de la protection du public, c’est le moins qu’on puisse dire.

Le vide qui reste à combler l’est pour les motifs ci-haut rappelés, mais aussi et surtout pour les raisons qui justifient la création d’un ordre professionnel ou l’équivalent. À savoir que la compétence particulière acquise pour assurer un service public (en l’occurrence celui de l’enseignement) et le degré d’autonomie requis qui en découle justifient qu’on permette à ces spécialistes de se constituer en ordre professionnel dont l’essentielle fonction est d’assurer la protection du public dans ce domaine, notamment en contrôlant l’exercice de la profession par ses membres.

Reconnaissance du professionnalisme

Bien sûr, les facteurs à considérer pour la constitution d’un ordre professionnel (énumérés à l’article 25 du Code des professions) ne s’appliquent pas tous avec le même degré d’évidence, mais cela a-t-il été le cas des 45 ordres professionnels constitués ? En amont des distinctions entre droit d’exercice exclusif et titre réservé, on doit reconnaître que les facteurs à considérer, relatifs aux activités assumées par les enseignants, s’appliquent très bien pour les quatre premiers critères et suffisamment pour le cinquième.

Du point de vue de cette logique professionnelle, n’est-il pas étonnant d’entendre les mêmes qui ne cessent de déplorer l’aliénation de la profession et la perte d’autonomie refuser le moyen de reconquérir celle-ci et de dépasser celle-là ?

Étonnant, oui, mais pas surprenant du point de vue de la logique du pouvoir. Les intérêts d’un groupe doivent être défendus et la reconnaissance syndicale répond à ce besoin. Un autre besoin, tout aussi important, est celui de la protection du public et la reconnaissance du professionnalisme de la mission des maîtres. Or, la création d’un ordre professionnel ou l’équivalent y répondrait de façon infiniment plus crédible.

La protection du public serait mieux servie et le couple autonomie-responsabilité en sortirait gagnant.

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