Le 25 avril, le monde a célébré la Journée de l’ADN qui coïncide cette année avec le 70e anniversaire de la découverte de la structure en double hélice, et le 20e anniversaire de l’achèvement du Projet du génome humain1.

Les Canadiens ont été au premier plan de ce projet. En 1986, le Montréalais Charles Scriver, un éminent généticien de l’Université McGill récemment décédé, avait convaincu le célèbre Howard Hughes Medical Institute (HHMI), aux États-Unis, de réunir les groupes qui pourraient financer et exécuter le Projet du génome humain. Les lauréats du prix Nobel Walter Gilbert et James Watson ont assisté à cette réunion et cela a été déterminant pour la suite.

Le séquençage du génome

Charles Scriver était bien conscient de l’importance du séquençage du génome humain sur la génétique clinique et son impact sur la santé humaine. La réunion a été un catalyseur majeur pour le développement du Projet du génome humain.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Le médecin et chercheur québécois Charles Scriver, en 2001.

S’inspirant de Charles Scriver, un projet pour établir une preuve de concept, ou validation de principe, était nécessaire. Elle a été fournie par la découverte du gène de la mucoviscidose2, une maladie génétique qui touche l’appareil respiratoire et digestif, par Lap-Chee Tsui et Jack Riordan, alors à l’Université de Toronto, et Francis Collins, alors à l’Université du Michigan. En 1990, ils ont écrit : « Plus largement, le clonage du gène CF fournit un démarrage rapide dans l’effort international pour cloner et cartographier l’ensemble du génome humain. »

Ces pionniers avaient accompli la tâche herculéenne d’identifier le gène chez les sujets normaux porteurs d’une seule mutation causant la mucoviscidose chez les patients homozygotes.

Aujourd’hui, grâce à ces découvertes scientifiques canadiennes, les patients atteints de mucoviscidose ont une espérance de vie de 57 ans.

Les formidables possibilités de l’ADN

Un seul de ces pionniers, cependant, a été en mesure de diriger le projet extrêmement difficile du génome humain. Francis Collins a reçu le prix Gairdner International du Canada en 2002 pour son leadership exceptionnel dans ce projet, et en particulier pour l’effort international visant à cartographier et séquencer les génomes humains et d’autres espèces.

Un autre lauréat du prix Gairdner International, reconnu pour son leadership dans le Projet du génome humain, est James Watson. Sa découverte de la double hélice lui a valu un prix Nobel en 1962.

PHOTO COLD SPRING HARBOR LABORATORY

Le généticien et biochimiste américain James Dewey Watson, en 2017

Il y a cependant eu controverse : les données expérimentales sur la double hélice étaient en fait une radiographie d’un cristal d’ADN faite par la physicochimiste britannique Rosalind Franklin, morte prématurément à l’âge de 38 ans, et privée de la reconnaissance de ses recherches.

Les conséquences de la découverte de l’ADN et du séquençage du génome humain ont été fondamentales pour la recherche médicale à l’échelle mondiale.

Comme le résume Francis Collins en 20213, les gènes de plus de 5000 maladies rares ont été découverts, de même que pour l’alzheimer, la schizophrénie, les maladies cardiaques et le cancer.

PHOTO MICHAEL REYNOLDS, ASSOCIATED PRESS

L’ancien directeur du Projet du génome humain, le Dr Francis Collins

C’est aussi grâce à l’ADN que nous pouvons retracer les origines de nos familles, grâce à la généalogie génétique. Le prix Nobel en 2022 a été décerné à Svante Pääbo, de l’Institut Max Planck, de Leipzig, pour le nouveau domaine de la paléogénomique. Ses découvertes impliquant le séquençage complexe de l’ADN génomique de nos ancêtres disparus ont conduit à la découverte d’une nouvelle branche d’humains primitifs, maintenant connue sous le nom de Dénisoviens.

Aujourd’hui, la généalogie génétique des humains modernes et anciens a été développée par l’analyse de l’ADN de plus de 7000 génomes différents. Ces nouvelles études ont défini la localisation géographique du cheminement de nos ancêtres, remontant à plus de 800 000 ans !

La Journée de l’ADN peut-elle avoir une importance au Canada ?

Le dévouement de nos remarquables chercheurs, Lap-Chee Tsui, Jack Riordan et Charles Scriver, a inspiré et conduit au Projet du génome humain.

Cependant, le projet n’impliquait pas le Canada. La principale raison en était le financement. Le Projet du génome humain a été largement financé par les National Institutes of Health (NIH) des États-Unis, pour les laboratoires du Dr Waterston, à l’Université de Washington, et du Dr Eric Lander, au MIT.

L’un des éminents journalistes et commentateurs politiques du Canada, Paul Wells, a récemment déploré la détérioration, depuis des décennies, du financement de la recherche au Canada.4

Le pays continuera de perdre le talent dont il était fier. En 2019, le Canada se classait au 18e rang mondial pour le nombre de chercheurs par 1000 habitants, alors qu’il était au 8e rang en 2011. Une telle perte est insoutenable pour relever les défis d’une inévitable prochaine pandémie, des changements climatiques et des ravages des maladies.

Charles Scriver, Lap-Chee Tsui et Jack Riordan ont démontré la valeur de la recherche exploratoire au Canada. Elle sauve des vies humaines à l’échelle mondiale. Le Canada devrait se souvenir de son héritage.

* John Bergeron et Kathleen Dickson remercient Francis Glorieux (Hôpital Shriners pour enfants de Montréal et le Centre universitaire de santé McGill) pour ses idées, corrections et modifications.

Sous licence Creative Commons, ce texte a été préalablement publié par La Conversation: https://theconversation.com/le-role-des-scientifiques-canadiens-dans-le-projet-du-genome-humain-montre-pourquoi-il-est-crucial-de-financer-la-recherche-204503

1 Consultez l’entrée de l’Encyclopédie canadienne sur le « Projet Human Genome » 2 Consultez l’article de vulgarisation « Mucoviscidose : des pistes thérapeutiques encourageantes » 3 Consultez l’article du New England Journal of Medicine : « Human Molecular Genetics and Genomics : Important Advances and Exciting Possibilities » (en anglais) 4 Consultez l’entrée du blogue de Paul Wells : « Building pyramids from the top down » (en anglais) Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion