Depuis toujours, la prière du dimanche rythme la programmation de la télévision de Radio-Canada sans qu’on remette vraiment en question sa pertinence. Elle est comme une énième reprise des Belles Histoires des pays d’en haut qui comble un temps d’antenne où peu de gens sont devant leurs téléviseurs.

Aujourd’hui, je ne veux pas remettre en question la prière à la télévision. Je sais que mes grand-mères âgées de 93 et 99 ans écoutent religieusement Le jour du Seigneur le dimanche, car elles ne peuvent plus se déplacer facilement. Je comprends que cette émission apporte un réconfort énorme à des personnes malades, seules et vulnérables. La question que j’aimerais poser est la suivante : est-ce que la prière de rite catholique a sa place à la télévision d’État ? Si des chaînes privées choisissent de diffuser la messe catholique, juive, musulmane, satanique et de n’importe quelle religion existante, ça ne me regarde pas. Elles peuvent agir selon leurs valeurs et visions.

Par contre, je m’attendrais à ce que la société d’État Radio-Canada affiche une totale neutralité sur les questions religieuses et ne fasse pas de favoritisme envers un seul rite.

Si Radio-Canada veut offrir un contenu parlant de spiritualité et de religion, elle devrait être inclusive et présenter des messes de toutes les confessions religieuses de ce pays.

Malheureusement, elle a supprimé la seule émission de ce genre récemment, Second regard. Alors que son homologue anglophone CBC ne diffuse pas de messe, notre bonne vieille chaîne francophone le fait, allant ainsi à l’encontre des principes qu’elle défend, des valeurs institutionnelles qu’on peut trouver sur son contenu en ligne.

En effet, le code de conduite de Radio-Canada adopté le 1er octobre 2017 stipule en page 6 que : « Le traitement différencié préjudiciable d’une personne ou d’un groupe pour des raisons fondées en tout ou en partie sur un ou plusieurs motifs de distinction illicite est interdit. Sont présentement considérés comme tels la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion […]. » Pourtant, Radio-Canada, en rendant un service public aux gens qui se définissent comme catholiques, offre elle-même un traitement différent à une partie de la population…

Ajuster nos institutions

Le temps passe, de même que les valeurs des gens évoluent. Le multiculturalisme s’affiche dans tous les aspects de notre existence et il nous enrichit. Au contact de l’Autre, on remet en question nos valeurs, nos croyances et nos habitudes. Le paysage canadien est différent avec de nombreux arrivants et des réfugiés politiques. Parfois il faut remettre les pendules à l’heure et ajuster aussi nos institutions politiques et étatiques pour qu’elles soient à l’image des réalités d’aujourd’hui.

En 1984, le pape Jean-Paul II était accueilli au Québec comme une rock star et il célébrait la messe dans un Stade olympique plein à craquer.

L’an dernier, la venue du pape François a montré la démobilisation, le désintérêt et même le dégoût d’une bonne partie de la population envers l’Église catholique.

Avec le vieillissement de la population (en incluant les prêtres), les derniers dominos d’une institution qui a contrôlé le Québec jusqu’aux années 1960 tombent les uns après les autres. Les églises se ferment vite, sont transformées ou carrément démolies. Le nombre de paroisses diminue drastiquement. Au diocèse de Chicoutimi par exemple, 35 paroisses ont été abolies le 1er janvier. Nous en sommes même rendus à unir les diocèses par manque de prêtres, de fidèles et d’effectifs. En 2019, les diocèses de Saint-Jérôme et de Mont-Laurier ont été fusionnés et il est à prévoir que d’autres fusions suivront. L’Église agonise. Elle est empêtrée par les scandales financiers, sexuels et elle prêche des valeurs archaïques.

Radio-Canada présente sur ses plateformes télé, radio et numérique des reportages, des documentaires, des interviews et des balados montrant les abus de l’institution catholique, mais elle continue de lui laisser de la place dans l’espace public. Contradiction ?

L’État québécois est devenu laïque, on a aboli les prières aux conseils de ville, exit les crucifix. On se doit de reconnaître que ce débat a alimenté un certain racisme et une ostracisation de gens s’identifiant comme musulmans, par exemple. Par contre, le bien-fondé du principe même de neutralité de l’État sur les questions religieuses est essentiel, car c’est le seul moyen d’être inclusif et de ne pas faire de favoritisme envers une religion ou une autre. Pour certains, c’est un faux débat et des choses bien plus importantes comme l’environnement devraient nous occuper, et j’ai tendance à adhérer à ce point de vue. Mais pour faire avancer les grands enjeux importants, il faut parfois faire le ménage dans nos institutions pour que ces dernières soient à l’image de la société québécoise. Si historiquement le Québec a été essentiellement catholique, il ne l’est plus.

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