L’entrée en vigueur de la Loi sur la diffusion continue en ligne (C-11) signifie que désormais les Netflix, Amazon et YouTube de ce monde seront assujettis à la législation canadienne et devront contribuer leur juste part comme le font les radiodiffuseurs privés canadiens depuis des lunes. Ces derniers, évoluant durant des décennies dans un environnement hautement réglementé et inflexible, ont trop longtemps subi une iniquité face à ces géants du web.

Alors que le ministre du Patrimoine canadien déclare qu’il se tient « debout pour nos histoires, pour nos artistes, pour nos producteurs et pour nos créateurs », il est inquiétant de constater son silence quant aux radiodiffuseurs d’ici. Faut-il rappeler le rôle primordial de ces derniers sans qui les téléspectateurs canadiens n’auraient pu découvrir, apprécier et aimer tout le talent de nos artistes, de nos producteurs et de nos créateurs ?

Radiodiffuseurs privés, moteurs de notre culture

Il serait grandement préjudiciable d’oublier que les entreprises canadiennes de radiodiffusion, comme TVA, Vidéotron et d’autres, sont d’importants moteurs de notre culture télévisuelle, notamment par les investissements colossaux qu’elles y consacrent en production de contenu.

À titre d’exemple, Québecor a investi, en 2022, plus de 400 millions en programmation sur ses différentes plateformes, incluant Club illico et Vrai.

Or, notre industrie fait face à des risques majeurs qui mettent non seulement en jeu la pérennité des entreprises canadiennes, mais minent également notre capacité à maintenir ces investissements qui sont nécessaires au développement de contenus originaux et journalistiques.

La nouvelle loi sur la radiodiffusion est un pas dans la bonne direction, mais encore faut-il que le gouvernement fédéral émette rapidement des directives claires au CRTC pour soutenir les entreprises privées de radiodiffusion canadiennes et leur permettre de tirer leur épingle du jeu.

Une réglementation flexible

La véritable solution passe par l’adoption d’une réglementation allégée et plus souple qui permettra aux télédiffuseurs et aux télédistributeurs de concurrencer leurs rivaux étrangers. N’est-il pas contreproductif qu’une entreprise comme Québecor doive consacrer temps et ressources à démontrer au CRTC qu’elle diffuse bel et bien du contenu d’ici alors qu’il s’agit de sa raison d’être ?

Favoriser l’émergence d’une concurrence équitable, c’est aussi protéger la mission première des entreprises de programmation qui est de fournir des nouvelles et des contenus produits chez nous qui ressemblent aux Canadiens et aux Québécois et les rassemblent. C’est ce qui fait notre spécificité et notre compétitivité. Il serait donc irrémédiablement dommageable que le gouvernement impose aux plateformes étrangères des obligations de diffusion de contenu canadien plutôt qu’une exigence de contribution à un fonds dédié pour la production de ce contenu.

Des directives claires dans l’intérêt public

Soyons lucides, à défaut d’une intervention soutenue et de la mise en œuvre de toutes les mesures nécessaires et efficaces pour permettre la survie des entreprises culturelles d’ici dans un système de radiodiffusion conçu par et pour les Canadiens, ces entreprises seront appelées à disparaître, faute de ressources pour concurrencer les plateformes étrangères. Il ne restera alors dans cette industrie que ces plateformes et la société d’État, Radio-Canada, qui bénéficie de crédits parlementaires qui s’élèvent à plus de 1,2 milliard de dollars par année. D’ailleurs, une des premières mesures qui devraient être appliquées est le retrait immédiat de la publicité sur toutes les plateformes de CBC/Radio-Canada ; une mesure qui concourrait à freiner la course aux cotes d’écoute menée par le diffuseur public et la concurrence déloyale qu’il déploie.

La prochaine étape des directives ministérielles sera cruciale pour l’avenir des radiodiffuseurs privés. Au nom de l’intérêt public, le gouvernement fédéral doit se tenir debout pour nos entreprises et les soutenir adéquatement, tout en encadrant les entreprises étrangères qui menacent l’ensemble de notre écosystème. Il est de notre devoir de travailler collectivement dans ce même sens. À défaut d’intervention réelle et pragmatique, les pertes financières s’accumuleront, ainsi que les pertes d’emploi. Choisissons d’être autre chose qu’un sous-traitant des diffuseurs en ligne américains.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion