Les inondations en cours dans plusieurs régions du Québec nous rappellent cruellement à quel point nous sommes collectivement peu préparés aux bouleversements climatiques irréversibles qui s’amplifient. Une remise en question et une révision urgente de nos façons de faire s’imposent pour identifier des stratégies viables et pérennes face aux risques à venir.

Des risques accrus

Avec le réchauffement climatique qui s’accélère et des températures maximales printanières qui s’accroissent, la fréquence des jours de pluie, les intensités et le cumul de précipitations augmentent significativement au Québec. Tous ces changements affectent la vitesse de fonte de la neige, multiplient les évènements de pluie sur neige et accélèrent le ruissellement lors de la phase de dégel printanier, et donc augmentent le risque d’inondations potentiellement dommageables.

La croissance démographique et économique contribuera de surcroît à augmenter le nombre de personnes et de biens exposés aux inondations dans la plupart des bassins versants.

À cela s’ajoute la vétusté ou l’inadaptation de nos infrastructures devenues de plus en plus vulnérables, la plupart ayant été construites sans tenir compte des changements climatiques.

Pour des milieux de vie plus sécuritaires, une vision d’ensemble des enjeux locaux et des solutions probantes, c’est-à-dire reposant sur les connaissances scientifiques les plus à jour, doit être développée avec la contribution de toutes les expertises nécessaires, en évitant le travail en silos.

C’est ce que propose le Réseau inondations intersectoriel du Québec (RIISQ), financé par les Fonds de recherche du Québec (FRQ) et imaginé par le scientifique en chef Rémi Quirion à la suite des inondations qui ont frappé le Québec en 2017. Ce réseau, qui regroupe toutes les universités du Québec, a été mis sur pied pour décloisonner les savoirs et développer une vision d’ensemble afin de trouver des solutions au problème récurrent des inondations.

Appuyer la recherche

C’est la recherche universitaire qui développe la majeure partie des connaissances scientifiques en matière de changements climatiques, d’impacts et d’adaptation. Les stratégies conjointes d’adaptation et de résilience face aux risques climatiques ne peuvent et ne doivent pas reposer sur des hypothèses, mais sur des connaissances scientifiques et pratiques et sur des données validées qui sont régulièrement mises à jour et facilement disponibles.

Cette mobilisation et la valorisation des connaissances doivent donc être mieux ou plus systématiquement appuyées par nos gouvernements, afin de renforcer la sensibilisation et l’éducation face à ces enjeux, et d’améliorer les procédures mises en place lors des étapes de prévention, de préparation, d’intervention et du rétablissement.

Grâce à cet appui sur le long terme, nous serions ainsi collectivement en mode proactif et anticipatif, et ce, afin d’éviter les gestions de crise trop souvent réactives, comme le recommande le dernier rapport d’évaluation globale de l’Organisation des Nations unies la réduction des risques de catastrophes (UNDRR). La science doit être au premier plan pour une meilleure prise de décision et doit se renouveler en impliquant les jeunes générations.

Mettre à contribution la force des jeunes

En cette période de pénurie de main-d’œuvre qualifiée, le Québec a assurément besoin de renforcer la formation de la relève, dans tous les domaines. Qu’il s’agisse des sciences naturelles, des sciences humaines et sociales ou des sciences de la santé, une meilleure connaissance des risques hydroclimatiques devient un moyen et un outil indispensable à la réduction de ses conséquences.

Pour rendre attractifs les programmes d’études, il faut s’assurer de financer adéquatement les études supérieures. La population étudiante réclame avec raison une augmentation urgente de la valeur des bourses et des subventions et un salaire décent. Sans un réinvestissement en recherche par nos gouvernements, rien de tout ceci ne peut se réaliser.

Pour un observatoire sur les risques d’inondations

Fort de son expérience de cinq ans déjà et de sa masse critique de chercheurs en début de carrière et chevronnés, couvrant l’ensemble du réseau universitaire québécois, le RIISQ est l’endroit légitime pour accueillir un observatoire québécois sur les risques d’inondations. Cet observatoire constituerait un formidable outil pour permettre le suivi, la surveillance, l’analyse des inondations récurrentes et de documenter leurs conséquences sur les individus, les intervenants, les organisations et les communautés sur une base régulière.

En plus de faciliter l’identification et l’évaluation de diverses solutions d’adaptation, cet observatoire multidisciplinaire et indépendant permettrait de mettre à jour les connaissances et de les rendre disponibles à toutes et à tous en continu. Des analyses après les inondations sont indispensables pour améliorer collectivement nos façons de faire et reconstruire mieux. Cela s’inscrirait parfaitement dans le cadre de Sendai défini par l’UNDRR, dont la feuille de route a été ratifiée par les gouvernements du Canada et du Québec en mars 2017 à Montréal.

En somme, le RIISQ et son réseau de chercheurs et d’étudiants offrent leur soutien et tendent la main aux décideurs et se joignent aux municipalités du Québec qui réclament des investissements en adaptation, sans oublier la recherche universitaire qui y contribue largement. Il y a en effet urgence d’agir, le climat, y compris socioéconomique, change rapidement. Ensemble, gouvernements, municipalités et universités, jeunes et moins jeunes, pensons et allons plus loin !

* Cosignataires : Manel Djemel, Réseau inondations intersectoriel du Québec et Université du Québec à Montréal ; Catherine Trudelle, Réseau inondations intersectoriel du Québec et Université du Québec à Montréal ; Danielle Maltais, Réseau inondations intersectoriel du Québec et Université du Québec à Chicoutimi ; Mylène Riva, Réseau inondations intersectoriel du Québec et Université McGill ; Karem Chockmami, Réseau inondations intersectoriel du Québec et Institut national de la recherche scientifique (Eau-Terre-Environnement)

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