Dans un monde où tout va trop vite, on tient souvent pour acquises les choses qui nous semblent immuables. C’est quand elles ont disparu qu’on se rend compte qu’il aurait fallu agir pendant qu’il était encore temps. Il s’agit d’une situation à laquelle les stations de radio commerciales de partout au pays, particulièrement celles évoluant en région, pourraient être confrontées si rien n’est fait pour leur venir en aide.

Cogeco Média, c’est 21 stations à travers diverses régions du Québec : Montréal, Québec, Trois-Rivières, Sherbrooke, Gatineau, Saguenay, Lac-Saint-Jean, Saint-Jérôme et Lachute. C’est aussi plus de 650 employés à travers la province qui produisent tous les jours du contenu local d’information et de culture. C’est au-delà de 4,5 millions d’auditeurs chaque semaine. Nous sommes un joueur important de l’écosystème radiophonique québécois.

Mais cet écosystème vit des moments extrêmement difficiles. Pourquoi ? Les annonceurs délaissent les médias locaux et déplacent leurs investissements publicitaires vers les plateformes numériques étrangères qui, elles, ne sont pas assujetties aux mêmes réglementations et régimes fiscaux. Ajoutez à cela un fardeau réglementaire important pour les radios commerciales et des politiques gouvernementales qui soutiennent la presse écrite par l’intermédiaire d’incitatifs fiscaux, mais qui excluent la radio commerciale et créent une iniquité fiscale et un déséquilibre concurrentiel au sein même de l’industrie des médias.

Les conséquences de voir disparaître des stations de radio risquent d’être majeures non seulement pour notre culture et notre langue, mais aussi, jusqu’à un certain point, pour la santé de notre démocratie et pour notre développement économique.

Si les radiodiffuseurs se révèlent essentiels à la vitalité du secteur culturel québécois, ils le sont tout autant en matière d’information. Que ce soit en diffusant les œuvres musicales des artistes d’ici ou en accueillant en ondes celles et ceux qui font l’actualité, la radio demeure une vitrine essentielle et accessible à tous.

Oui, certains gestes sont faits par les gouvernements pour pallier cette situation. À cet égard, je tiens à saluer l’adoption récente du projet de loi C-11. Mais je dois également faire une mise en garde : intégrer les plateformes numériques étrangères dans le giron réglementaire canadien c’est bien, mais ce n’est là qu’un côté de la médaille.

Beaucoup reste à faire. Nous devons alléger le régime réglementaire rigide et lourd en plus d’abolir les iniquités auxquelles les radiodiffuseurs sont assujettis afin qu’ils puissent avoir les coudées franches. Cela permettra de concurrencer les plateformes étrangères et de faire face aux nouvelles réalités du marché.

Nous appuyons sans réserve le projet de loi C-18, dont l’adoption est cruciale pour assurer la viabilité économique et la pérennité des médias d’information canadiens. Cette loi obligera les géants du web à négocier une entente avec tous les médias canadiens afin de les compenser pour l’utilisation de leurs contenus.

Récemment, des représentants de Meta, la société mère de Facebook, ont fait part de leur désir de voir les radiodiffuseurs, y compris l’industrie de la radio, exclus de la portée du projet de loi. Cette demande est inacceptable. Non seulement constitue-t-elle une autre tentative des géants du web de venir diluer l’impact du projet de loi et de s’affranchir de leurs obligations, mais il s’agit également d’une tentative d’établir une hiérarchie de l’information totalement arbitraire en fonction de la technologie de distribution. C’est tout à fait indéfendable.

Le projet de loi C-18 ne fait pas une telle distinction et englobe toutes les nouvelles, qu’elles proviennent d’un média écrit, audio, ou audiovisuel. Et il doit en demeurer ainsi.

À l’instar de plusieurs acteurs radiophoniques, nous effectuons présentement chez Cogeco Média des investissements très importants pour la mise à jour technologique de nos stations de radio et déployons d’autres initiatives stratégiques pour accélérer notre transformation numérique et mieux répondre aux besoins et aux habitudes d’écoute de nos auditeurs. Mais cette transformation, à elle seule, ne sera pas suffisante pour assurer une pleine compétitivité de notre industrie avec les géants du web.

Finalement, on ne peut passer sous silence le rôle crucial des politiques de placements publicitaires des gouvernements. Avec sa politique priorisant la publicité numérique pour ses propres investissements, le gouvernement fédéral accentue l’exode des recettes publicitaires vers les plateformes numériques étrangères. Selon les dernières données disponibles, le gouvernement fédéral investit autant en publicité sur Facebook que dans toutes les radios au Canada.

Cette pratique est incohérente avec la position du gouvernement qui vise un meilleur équilibre des forces dans les médias au Canada.

La radio est à la croisée des chemins. Elle doit bien sûr adapter sa distribution, la teneur de son contenu et sa mise en marché. Pour continuer d’offrir du contenu crédible qui répond aux besoins de divertissement, d’information et d’accompagnement des auditeurs, l’équité est prioritaire.

Il faut agir. Évitons que le scénario désolant des fermetures de journaux locaux se répète dans l’industrie de la radio commerciale. C’est la responsabilité de toutes les parties prenantes d’assurer la pérennité et la viabilité des médias de proximité. Cogeco Média s’est engagée à le faire avec ses 21 stations de radio partout au Québec et de s’assurer que la radio est là pour de bon.

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