À Québec, les transports en commun ne sont pas un service essentiel. C’est le message qui ressort du récent jugement du Tribunal administratif du travail (TAT) qui n’assujettit pas le Réseau de transport de la Capitale (RTC) et le syndicat des chauffeurs à l’obligation de maintenir des services essentiels en cas de grève.

Avant 2019, le Conseil des services essentiels décidait qui devait se soumettre aux règles qui encadrent la prestation de services essentiels. Les décisions étaient prises par décrets gouvernementaux, sans enquête ni audition.

Depuis, c’est le TAT qui tranche ces questions, et les services essentiels sont maintenus si, et seulement si, ce dernier juge qu’une grève est susceptible de mettre en danger la santé ou la sécurité publique.

Dans le cas présent, il conclut qu’une grève potentielle, qui entraînerait une congestion supplémentaire, n’empêcherait pas les véhicules d’urgence de circuler de façon fluide et ne menacerait pas la sécurité.

Or, au-delà de l’application du critère relatif au danger pour autrui, il est inévitable qu’une rupture de services entraînerait des conséquences réelles et majeures pour des milliers de personnes, particulièrement pour celles pour qui le transport collectif constitue la seule option pour vaquer à leurs obligations.

C’est donc dire que la notion actuelle de services essentiels ne considère aucunement la réalité d’une personne avec des limitations ou à mobilité réduite, des étudiants, des personnes à faible revenu ou des travailleurs pour qui le télétravail n’est pas une option.

Ces personnes ne méritent-elles pas le maintien d’un service minimum de transports en commun en cas de grève ? Doit-on comprendre que la mobilité n’a pas la même valeur pour tout le monde ? Doit-on accepter que se creuse un fossé de possibilités entre ceux qui comptent sur les transports en commun et ceux ayant accès à une voiture ? Et si une éventuelle grève se poursuivait pendant plusieurs mois, devraient-ils prendre leur mal en patience et rester à la maison, voire perdre leur emploi faute de pouvoir s’y rendre ?

Devant ces exemples, il m’apparaît réducteur de fonder le caractère essentiel des transports en commun uniquement sur la base de la présence d’un danger pour la population.

Lors de la pandémie, il n’a jamais fait de doute pour le gouvernement que le transport collectif devait être maintenu en raison de son importance. Pourquoi en serait-il autrement aujourd’hui ? N’est-ce pas paradoxal ?

Cela apparaît également contradictoire avec la volonté du gouvernement du Québec, qui par ses politiques de mobilité durable, souhaite que plus de gens fassent le choix du transport collectif. Pour atteindre les objectifs fixés, la population doit pouvoir compter sur la présence du service dans leur quotidien.

En modifiant le Code du travail en 2019, le gouvernement du Québec avait-il bien mesuré tous les impacts ? Des critères additionnels auraient-ils dû être insérés dans la loi afin d’assurer un meilleur équilibre entre le droit des salariés à la grève et le droit de la population à se déplacer ? Force est de constater que les effets de cette modification rompent 40 ans d’équilibre en matière de relations de travail et créent un précédent qui pourrait avoir un impact sur les autres grandes villes du Québec. Le grand perdant sera toujours le client.

Plusieurs demandent au RTC de contester la décision du TAT. Mais au-delà d’un processus de révision judiciaire, dont on ne connaît pas l’issue, la question fondamentale en cette ère de lutte contre les changements climatiques est plutôt : le transport collectif est-il un service essentiel ?

Pour la Ville de Québec et le Réseau de transport de la Capitale, la réponse est oui. Mais qu’en est-il pour le gouvernement du Québec ?

De notre côté, nous concentrerons tous nos efforts à la table de négociation dans les prochains jours, car nous avons une grève à éviter.

On doit bien cela à nos clients, car à nos yeux, ils sont essentiels. Et nous le sommes aux leurs.

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