L’auteure s’adresse au ministre de l’Éducation, Bernard Drainville.

L’Association québécoise des psychologues scolaires (AQPS) a été renversée d’apprendre, à la lecture de l’article de Louise Leduc paru le 16 juin⁠1, que l’attribution de bourses supplémentaires destinées à des doctorants en psychologie annoncé dernièrement par votre gouvernement ne s’appliquait qu’au milieu de la santé et des services sociaux.

Votre décision de ne pas intercéder en faveur du milieu scolaire, alors que notre profession est également aux prises avec des enjeux majeurs d’attraction et de rétention, n’est pas sans soulever certaines questions et des inquiétudes chez nos membres à propos de votre perception de leur rôle dans le système scolaire et des enjeux urgents auxquels nous devons faire face dans le milieu de l’éducation.

Des défis qui, comme vous le savez, sont non seulement exacerbés par la récente pandémie qui a causé des retards considérables dans le développement de milliers d’élèves, mais aussi amplifiés par l’arrivée constante de nombreuses familles immigrantes depuis les dernières années, ces familles qui nous confient leurs enfants dans l’espoir que ces derniers auront, dans nos classes, accès aux ressources nécessaires pour leur permettre de s’apaiser, de s’adapter, de s’intégrer et de s’épanouir dans leur nouvel environnement.

Rappelons en outre que les psychologues scolaires font partie de la première ligne de défense lorsque vient le temps d’identifier et de dépister des élèves qui présentent des difficultés qui risquent d’altérer leur progression sans la mise en place de mesures adaptatives adéquates pour répondre à leurs besoins.

Ils sont également là pour soutenir les enseignants, aiguiller les parents qui doivent composer avec des situations complexes et contribuer à mettre en place des environnements scolaires favorables à l’apprentissage et au bien-être.

En offrant une bourse exclusivement aux finissants en psychologie qui désirent intégrer le milieu de la santé et des services sociaux, votre gouvernement creuse davantage le fossé qui sera encore plus difficile à combler pour le réseau scolaire qui souffre déjà de l’exode des doctorants vers le milieu privé.

Le recrutement est d’autant plus difficile qu’une seule université francophone au Québec, soit l’Université du Québec à Montréal, offre un volet consacré à la psychologie en éducation dans la formation des futurs psychologues. La pérennité de la psychologie scolaire est aujourd’hui menacée. En n’offrant pas des conditions comparables à ce qui est proposé dans le domaine privé et en ajoutant à la disparité avec le milieu de la santé et des services sociaux, il deviendra d’autant plus difficile d’attirer les étudiants pour leur internat en milieu scolaire et, par le fait même, pour leur pratique future.

Prévenir plutôt que guérir

Pour ajouter à l’urgence de la situation, nous nous devons de vous rappeler que, faute de relève, les postes de psychologues scolaires sont de plus en plus remplacés par d’autres professionnels de domaines connexes, comme si nos rôles étaient interchangeables. Or ce n’est pas le cas. Les psychologues scolaires possèdent une expertise unique qui regroupe des compétences liées non seulement à la santé mentale, mais également au développement global, aux comportements et à l’apprentissage.

Malgré ces fonctions importantes occupées par nos membres, votre décision donne malheureusement à penser que la pratique en milieu éducationnel se résume, pour vous, à une sous-catégorie de la profession de psychologue.

Vous démontrez dans le même élan que votre gouvernement préfère miser sur les soins de guérison plutôt que d’investir dans la prévention en s’appuyant sur les professionnels qui sont en mesure d’aider les jeunes à faire face à certains enjeux à la source. Une approche qui, dans bien des cas, pourrait leur permettre de ne pas avoir à faire appel au système de santé et de services sociaux plus loin dans leur parcours.

Alors que les psychologues s’éloignent du milieu scolaire et que l’objectif « une école, un psy » semble de moins en moins atteignable, nous pensons qu’il est temps de revaloriser la pratique en milieu scolaire et de faire des gestes significatifs en ce sens.

C’est pourquoi nous nous permettons, Monsieur Drainville, d’espérer que vous allez reconsidérer votre position et accorder à cette question toute l’attention nécessaire. Une plus grande considération de votre part pourrait permettre d’éviter que la situation ne se détériore davantage, ce qui serait, vous devez en convenir, bien regrettable.

1. Lisez l’article de Louise Leduc dans La Presse Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion