Alors que le prochain sommet de l’OTAN se rapproche (11 et 12 juillet), les articles de presse relatifs aux tractations en cours concernant le successeur de l’actuel secrétaire général Jens Stoltenberg fleurissent à nouveau⁠1, 2.

Il est néanmoins étonnant de voir à quel point les noms égrenés demeurent en majorité déconnectés de certains enjeux et réalités politiques présents dans le cadre de ce processus de sélection par consensus (Ursula von der Leyen, Mette Frederiksen, Ben Wallace, Pedro Sanchez, Mark Rutte, Kaja Kallas, Chrystia Freeland).

Comme indiqué dans un article paru en février dernier dans Rubicon⁠3, je maintiens qu’en cas de nomination d’une secrétaire générale (c’est-à-dire d’un choix consistant à nommer pour la première fois une femme à ce poste), seules trois personnes sont susceptibles d’être retenues véritablement : l’actuelle présidente slovaque Zuzana Čaputová, l’ancienne ministre de la Défense néerlandaise Jeanine Hennis-Plasschaert et l’ancienne ministre italienne des Affaires étrangères et haute représentante de l’Union européenne (UE) pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini.

Pour en revenir aux noms évoqués dans la presse ces derniers jours, seul Marke Rutte aurait de véritables chances, bien qu’il semble qu’il ne convoite pas le poste, à en croire certaines sources.

Contrairement à ce qui est avancé dans les articles des derniers jours, les nationalités de Chrystia Freeland (canadienne, donc non européenne, sachant que le poste est réservé à un Européen), Ben Wallace (britannique, donc non issu d’un pays membre de l’UE ; sans compter la redondance avec le poste d’adjoint au saceur déjà occupé par un Britannique), Pedro Sanchez (espagnole, tout comme le haut représentant de l’UE Josep Borrell) et Mette Frederiksen (danoise, soit la même que celle du prédécesseur direct de Stoltenberg) constituent des obstacles plus que difficiles, et même impossibles à surmonter pour ces derniers.

Ursula von der Leyen ne constitue pas non plus une candidature crédible. Son rôle majeur dans l’état actuel de la Bundeswehr, les nombreuses polémiques l’ayant accompagnée du temps de son ministère en Allemagne ou à la Commission européenne et le fait que son mandat actuel ne s’achèvera qu’à l’été 2024 constituent également des éléments rendant plus qu’illusoire sa sélection (et ce, malgré son engagement pro-ukrainien).

Un signal à la Russie ?

Quant à Kaja Kallas, il est plus que probable que celle-ci ne soit pas retenue du fait de ses positions perçues comme trop dures vis-à-vis de la Russie. Cela n’écarte pas cependant sa candidature. Mais outre le fait qu’elle vient récemment d’être réélue, le choix de Kallas par les Alliés impliquerait une volonté de la part de ceux-ci d’envoyer un signal particulièrement fort à la Russie. Il est probable que plusieurs États s’y opposent : éventuellement certains issus de la « vieille Europe », mais plus probablement et certainement la Hongrie.

L’ancienne première ministre finlandaise Sanna Marin étant perçue également comme partisane de la ligne dure vis-à-vis de la Russie, bien que possible, sa sélection impliquerait là encore une volonté forte de la part des Alliés.

Le fait que la Finlande vienne de rejoindre l’OTAN il n’y a que quelques semaines pourrait cependant lui être reproché, probablement plus par des États d’Europe de l’Est. Toutefois ces derniers, en particulier les États baltes et polonais, pourraient faire fi de cet élément compte tenu de sa position forte vis-à-vis de Moscou et du Kremlin. Il est cependant possible que celle-ci devienne la future Spitzenkandidatin de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen (S & D) lors des élections européennes de juin 2024, en vue d’obtenir le poste de présidente de la Commission européenne.

Le temps restant avant le sommet se réduisant jour après jour, il n’est pas impossible que le choix de la facilité soit retenu et que le mandat de Stoltenberg soit à nouveau (pour la troisième fois) prolongé. Quoi qu’il en soit, il faut reconnaître à l’Alliance une qualité dans le cadre de ce processus, à savoir sa capacité à maintenir secret ce dernier, et ce, plusieurs mois durant. On est loin de l’étalage public des processus de tractations pour les nominations des commissaires européens, sans même parler des postes à la présidence de la Commission européenne et de celui à la présidence du Conseil européen.

1. Lisez le récent article (en anglais) de Politico 2. Lisez le texte (en anglais) de l’agence Reuters 3. Lisez l’article de Rubicon Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion