Combien de fois ai-je entendu cette sempiternelle question dans mon enfance ? Malgré le temps passé à jouer à la maîtresse d’école avec mes peluches, dans mon for intérieur, je désirais être actrice. Fantasque, idéaliste, romantique, je rêvais, entre autres, de jouer ces grandes héroïnes qui me fascinaient, cherchant éperdument à combler l’ennui, basculant dans l’illusion.

Sans surprise, ces rêves d’enfants finissent par tarir proportionnellement à l’accroissement de la raison qui vient avec l’âge. Une vocation, voilà le remède à la mélancolie qui m’habitait. Je voulais exercer un travail qui allait donner un sens à ma vie, une profession qui a une âme.

Il a fallu une rencontre pour éveiller en moi l’idée d’enseigner. « Jamais au secondaire, je n’y arriverai pas. Les élèves sont intenables », m’étais-je écriée. « Essaye au moins, si tu veux vraiment avoir un impact… et tu as le cœur qu’il faut », m’avait-on répondu. Je me suis donc lancée dans cette aventure, et non sans peine, j’ai décidé de la poursuivre…

Le plus étonnant est que ce jeu d’acteur, je l’ai retrouvé. Je le fais tous les jours. « Les élèves ne sont pas faciles à gérer. Tu n’as qu’à revêtir un rôle. Tu créeras ainsi ta carapace », m’avait-on conseillé.

C’est donc devenu mon quotidien… humoriste, éducatrice, parfois philosophe… Ce dernier, c’est mon rôle préféré.

Il est si gratifiant de voir les yeux de mes élèves s’écarquiller lorsque j’ai éveillé leur intérêt et de façonner leurs pensées. À travers mon enseignement et mon expérience, ils cherchent des conseils, des espoirs…

« J’aurais voulu être professeur de vie », avouait l’écrivain Jacques Salomé d’un ton un peu navré. Pour moi, ce métier n’est pas à inventer. Il existe déjà.

Je n’ai plus de prénom. Ils m’ont appris à aimer mon patronyme, ces enfants. « Madame Soucy ! » J’ai senti une chaleur dans ma poitrine lorsque j’ai entendu pour la première fois résonner mon nom dans le métro. C’était un élève de ma première cohorte, maintenant au cégep. Mon cœur s’est gonflé de fierté. D’autres sont passés avant moi, mais quel malin plaisir de penser que j’y ai mis mon grain de sel, que j’ai peut-être un tant soit peu attisé des rêves, contribué à des réussites.

Apprendre à travers les élèves

Je suis enseignante. C’est drôle, j’ai toujours trouvé qu’il y avait quelque prétention dans ce mot, car, moi-même, je ne cesse d’apprendre… à travers les élèves, leur vision du monde. Je vieillirai, mais mes élèves auront toujours le même âge. C’est à la fois angoissant et excitant d’accepter qu’il faille constamment se réinventer.

Je ne gère pas une multinationale. Ma fierté ne se mesure pas en termes de millions de dollars générés, mais dans l’éclat de compréhension d’un regard. « Moi, c’est comme si j’étais première ministre ! », avait dit un jour une collègue maintenant retraitée. Le monde de l’éducation demeure un peu à part… il est le socle sur lequel une société se fonde. Nous sommes les premiers au front, les premiers à tracer les sentiers, les carrières… C’est la beauté et la singularité de ce métier.

C’est exigeant enseigner. Le mot est faible. Je me discipline à adopter de saines habitudes de vie, car une centaine de jeunes êtres en croissance dépendent en partie de moi. Ils méritent que j’aie toute mon énergie lorsque je donne « mon spectacle ». Oui, cette profession sera toujours une vocation. C’est exigeant enseigner, et nul mépris pour tous les emplois qui le sont aussi. Je veux simplement dire que c’est exigeant… mais ô combien grand !

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