À l’annonce de la triste nouvelle du décès de Ghislain Dufour, mes souvenirs se bousculent.

Le petit gars de Roberval des années 1970 que j’étais s’inspirait déjà des aventures de cet être plus grand que nature. Il défendait ses idéaux à la télévision, dans les journaux ou les caricatures avec une détermination et une redoutable efficacité. Sans que je le sache, l’influence de ce héros entrait déjà en collision avec l’ADN de mon engagement.

Cinquante ans plus tard, je regardais ce grand bâtisseur du Québec moderne écrire l’histoire des relations « industrielles » tout en réalisant encore plus clairement son immense contribution à la société. Sur l’écran central du Gala annuel du Conseil du patronat du Québec (CPQ), son visage marqué par la sagesse nous rappelait le chemin parcouru et certains dommages collatéraux ayant mené à une relative paix industrielle, au dialogue social et à un Québec paritaire inspirant le monde.

Son héritage colossal déborde largement les relations de travail. Tous les premiers ministres du Québec ayant croisé sa route le consultaient sans délai avant de prendre une décision difficile ou de procéder à un changement important.

Son impact transcendait les gouvernements et ne cherchait ni la reconnaissance ni les médailles. Si certains ont pu craindre ses réactions, la vaste majorité optait pour l’apport d’un rare visionnaire capable de voir les opportunités à l’horizon des crises.

Inaltérable authenticité

Sa stature d’un des plus grands hommes d’influence du Québec d’aujourd’hui n’a pourtant jamais porté ombrage à son inaltérable authenticité. Qu’il soit avec les gens de pouvoir, les grands artisans du Québec inc., ses partenaires syndicaux ou les salariés de tous les secteurs, M. Dufour était toujours le même : un homme à l’écoute et prêt à débattre avec ceux qui sont capables d’empathie pour trouver un compromis en ne cultivant pas la bêtise !

Ce citoyen engagé aura été aux premières loges de plusieurs des importantes politiques socioéconomiques. Mais l’une de ses contributions les plus durables aura été de mailler les pouvoirs financiers et économiques du Québec inc. aux grandes associations syndicales. Les témoins de ce travail d’orfèvre vous le diront, c’était là l’œuvre de sa vie.

Le Conseil du patronat et Ghislain Dufour sont indissociables depuis sa fondation et le resteront pour l’avenir. Ses valeurs, ses convictions et le dialogue social permettent désormais d’affronter les périls de notre temps. La vision manichéenne du monde du travail s’étiole largement grâce à lui.

La meilleure façon d’honorer sa mémoire est de convier toutes les parties prenantes à la recherche d’une voie de passage commune à tous et menant à une prospérité pour tous.

Lorsque j’étais avec lui, le petit gars de Roberval était toujours face à ce héros de mon enfance. Lors de l’une de nos dernières rencontres, M. Dufour me confiait sa vision optimiste pour la suite des choses. Ses dernières paroles pour moi étaient pleines de reconnaissance et de confiance. Une reconnaissance débordante pour ses compagnons de route, et une confiance à l’égard de tous les citoyens engagés qui ont repris son flambeau.

J’offre mes plus sincères condoléances à sa famille, ses amis, ses proches et tous ses compagnons de route. Il est de ces personnes qui changent le monde. Il aura changé le mien et marqué ma vie pour toujours.

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