Notre gouvernement fédéral a célébré la Journée mondiale sans tabac en annonçant que de nouvelles mises en garde, telles que « Du poison dans chaque bouffée », devront bientôt figurer obligatoirement sur chaque cigarette. La réglementation a été saluée par les instances habituelles, qualifiée de « première mondiale », ou encore comme « une avancée audacieuse » de la ministre de la Santé mentale et des Dépendances et ministre associée de la Santé, Carolyn Bennett.

Cette politique sera pourtant nettement moins efficace pour réduire le tabagisme que plusieurs autres fondées sur la compréhension du fait que les fumeurs ne cherchent pas à s’autodétruire volontairement, mais qu’ils ont plutôt un terrible besoin de nicotine pour satisfaire leur dépendance, tout en détestant les conséquences de la combustion sur leur santé.

Aujourd’hui, la consommation de nicotine n’est pas la même chose que la combustion. Cette dernière est à l’origine de la plupart des effets néfastes sur la santé.

La combustion crée des toxines et des agents cancérigènes. La consommation de nicotine sous une autre forme permet de réduire considérablement les dommages.

La Suède a le taux de cancer des poumons le plus faible d’Europe, car le tabagisme y est très rare : la population suédoise consomme beaucoup de nicotine par l’intermédiaire de tabac à priser humide (une forme de tabac humide qui ne se fume pas et que l’on place généralement sous la lèvre supérieure) et de « tabac à usage oral ». Les consommateurs de nicotine japonais remplacent les cigarettes par des produits de tabac chauffés et le pays enregistre une baisse des hospitalisations liées aux maladies cardiovasculaires. Le tabagisme chez les jeunes est loin d’avoir disparu au Canada, avec l’apparition des cigarettes électroniques.

La population de fumeurs au Canada est composée en grande partie de personnes à faible revenu, de membres de la communauté LGBT+, de personnes schizophrènes, de personnes souffrant du trouble anxieux généralisé et de TDAH, ainsi que de la population carcérale. La nicotine est à la fois une aide cognitive et un moyen de calmer l’anxiété. Chez certains de ces groupes, le taux de tabagisme est supérieur à 50 %.

Faire connaître les produits à moindre risque

Au Canada, deux obstacles empêchent l’adoption d’une option à dommages réduits. L’un est l’ignorance, l’autre est une confiance excessive dans les stratégies du « tout ou rien ».

Les fumeurs doivent savoir qu’il existe une gamme de produits à base de nicotine à moindre risque qui n’auront pas les mêmes conséquences sur leur santé que la combustion. Ces produits sont commercialisés par des géants de l’industrie pharmaceutique (timbres, pastilles et gommes à la nicotine), de petits producteurs indépendants (principalement les cigarettes électroniques) et l’industrie du tabac (cigarettes électroniques, produits de tabac chauffés et produits sans fumée). Aucun de ces produits n’implique de combustion.

Public Health England et le Royal College of Physicians affirment que les cigarettes électroniques sont peu toxiques, et la recherche universitaire valide le fait qu’il s’agit de moyens efficaces d’arrêter de fumer.

Récemment, le gouvernement britannique a annoncé qu’il communiquerait avec un million de fumeurs afin de les convaincre d’échanger leurs paquets de cigarettes contre une vapoteuse gratuite.

Par contre, au Canada ceux qui se réjouissent de ces mises en garde se battent contre l’industrie du tabac, tout en oubliant ce que les psychologues nous disent : le renforcement positif est la clé du succès. Les fumeurs bénéficieraient d’un message positif quant à la manière d’arrêter de fumer sur les paquets de cigarettes, plutôt que du négativisme à outrance actuellement requis. La stigmatisation qui s’ensuit aggrave l’exclusion sociale.

En effet, les produits à moindre risque et les produits à haut risque sont parfois fabriqués par la même entreprise. Les anges se font rares dans le monde de l’industrie de la nicotine. La cigarette a tué un nombre incalculable de personnes depuis un siècle, tandis que Johnson & Johnson (fabricant de timbres, de pastilles et de gommes à la nicotine) a récemment versé 20 milliards de dollars aux plaignants dans le cadre des plaintes relatives au fentanyl et au talc aux États-Unis. Mais si les produits à moindre risque aident les fumeurs à changer leurs habitudes, leur provenance ne doit pas constituer un obstacle à leur adoption.

À titre de comparaison politique : l’alcool vole d’innombrables années de vie à la société, mais aucune mise en garde significative ne figure sur les contenants d’alcool. Et aucune mise en garde n’est imprimée sur les verres à vin, ce qui serait l’équivalent des mises en garde sur les cigarettes. Pourquoi ? Parce que les classes moyennes et les élites au pouvoir fument peu, mais apprécient l’alcool ? Je ne préconise pas l’apposition de mises en garde sur nos bouteilles de Pinot Grigio, à l’instar de celles se trouvant sur les paquets de cigarettes. Une consommation modérée d’alcool a probablement la même incidence sur notre longévité que l’utilisation de produits à base de nicotine sans fumée.

Le Canada doit de toute urgence inciter les fumeurs d’âge moyen et plus avancé à arrêter de fumer. Ils sont tellement dépendants de la nicotine qu’une approche de type « arrêter ou mourir » se révélera inutile dans la plupart des cas. Au lieu de rendre la vie encore plus difficile que ce qu’elle est déjà à ces groupes en les torturant, pourquoi ne pas descendre dans la rue et informer les fumeurs pour les inciter à utiliser des produits à moindre risque qui n’impliquent pas de combustion ?

Enfin, Ottawa devrait tenir compte du succès du marché illégal de la nicotine au Canada. Au moins un quart de toutes les cigarettes consommées en provient. Les politiques visant à ostraciser davantage les fumeurs renforceront ce marché.

* L’auteur a travaillé pour le gouvernement du Canada sur les politiques en matière d’alcool et de tabac, ainsi que dans le secteur privé (juridique). Certaines de ses recherches sont financées par la Fondation pour un monde sans fumée.

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