Après avoir lu un article dans La Presse1 qui traite des tensions croissantes dues à l’augmentation de l’itinérance à Val-d’Or, que certains appellent le « Club Med pour itinérants », je devais réagir.

Moi et de nombreuses personnes pensons qu’il serait plus approprié de se concentrer sur les causes profondes des problèmes sociaux visibles tels que l’itinérance, les dépendances et la santé des Autochtones, plutôt que de ne traiter que des symptômes. Parmi ces causes profondes, une des plus importantes est l’expropriation des territoires sans un partage équitable avec les peuples qui y vivaient bien avant nous.

À mes amis vivant à Val-d’Or, sur l’Anishnabe Aki, ainsi qu’à tous ceux qui ont la chance d’avoir un emploi stable et un toit sur leur tête (moi compris) en Amérique du Nord, connue sous le nom de l’île de la Tortue par les peuples autochtones, il faut se rappeler que nos vies confortables et remplies de biens matériels sont le résultat de la prise de territoires qui étaient habités depuis des millénaires par des peuples autochtones.

Lors de conférences, j’explique comment les peuples autochtones ont partagé ces territoires avec les empires coloniaux qui avaient besoin d’eux à l’origine. Cependant, avec le temps, les peuples autochtones sont devenus moins utiles pour la couronne britannique et le Dominion du Canada depuis 1867.

D’abord essentiels à l’empire, ils sont ensuite devenus un obstacle à la colonisation d’établissement et à l’économie extractive, comme en Abitibi. L’une des premières solutions a été de confiner ces peuples dans des réserves pour libérer le territoire en faveur de la colonisation.

Génocide colonial canadien

Ce processus d’exclusion a abouti à ce que nous appelons le génocide colonial canadien. Le crime de génocide est défini par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide2, qui comprend des actes tels que « l’assassinat de membres du groupe », « la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle », « les mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe » et « le transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe ». Ces faits ont été constatés par la Commission de vérité et réconciliation du Canada3 et l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFFADA)4, et ce génocide se poursuit encore aujourd’hui.

Ce que signifie aujourd’hui l’expropriation des territoires sans partage équitable se voit clairement avec l’exemple récent de l’entreprise Agnico Eagle, qui s’est vantée d’avoir extrait sa sept millionième once d’or.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Tunnel de la mine d’or LaRonde, en Abitibi-Témiscamingue, propriété de l’entreprise Agnico Eagle

En dehors de quelques emplois et dons, les redevances offertes aux communautés autochtones sont dérisoires par rapport aux milliards retirés de l’Anishnabe Aki.

Il existe toutefois des exemples de partage plus équitable. Les Eeyou (Cris) ont regretté l’extinction de leurs droits ancestraux et l’inondation d’une grande partie de leur terre ancestrale pour la construction des barrages hydroélectriques.

Cependant, par l’entremise de traités5, ils ont réussi à obtenir une part significative de la richesse économique générée par l’hydroélectricité et l’exploitation extractive de l’Eeyou Istchee. Donc un partage à la fois sur le plan économique, territorial et politique.

Lorsque j’évoque le génocide colonial et le partage inéquitable actuel des pouvoirs économiques, politiques et territoriaux en Abitibi, certains de mes amis rétorquent qu’ils ne devraient pas se sentir coupables d’être nés blancs et d’avoir réussi.

Mon but n’est pas de leur reprocher leur succès ou leur richesse issue de la spoliation du territoire des Anishnabek, mais plutôt d’encourager une prise de conscience de l’origine de ces privilèges et de promouvoir une solidarité accrue envers les peuples autochtones. Nous continuons de subir les conséquences du colonialisme. Ensemble, nous devons chercher à créer des changements positifs pour atteindre un partage équitable des richesses, des territoires et des pouvoirs.

1. Lisez le dossier « Crise de l’itinérance à Val-d’Or : cohabitation plus tendue que jamais » 2. Consultez le texte de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide 3. Consultez le sommaire du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada 4. Consultez le rapport supplémentaire de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées 5. Consultez le résumé des ententes principales du Gouvernement de la Nation Crie Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion