En réponse à la lettre de Tamara Thermitus, « Journée d’émancipation : la mémoire en action », publiée le 1er août1.

Merci pour votre salutaire et intelligente prise de parole, Mme Thermitus ! De ce débat sur la proposition de rebaptiser l’avenue Christophe-Colomb émergeaient deux problématiques auxquelles vous avez parfaitement répondu : d’une part, le fait de considérer l’histoire de façon parcellaire et, d’autre part, la confusion entre l’histoire et la mémoire.

« Renouer avec l’histoire », comme une précédente intervention nous y invitait, lorsque l’on se passionne véritablement pour l’histoire, ce n’est pas défendre une seule facette d’un fait ou bien d’un personnage par habitude ou par confort intellectuel, c’est en effet s’attaquer aux mythes, comme vous l’écrivez de manière si clairement argumentée.

Contrairement à ce que l’on croit, l’histoire n’est pas figée : le regard que nous portons sur elle évolue à chaque génération et à chaque nouvelle (re)découverte documentaire.

En reconnaissant que l’histoire a jusqu’à présent le plus souvent été écrite par les vainqueurs et les puissants, on abandonne les analyses manichéennes ou totalement univoques pour intégrer dans notre réflexion collective l’ensemble des voix du passé, toutes aussi légitimes.

L’argument selon lequel cela équivaudrait à juger le passé à l’aune de nos valeurs actuelles ne tient pas : il faut au contraire entendre et lire les contemporains de Christophe Colomb, par exemple dans le cas qui nous occupe, qui en leur temps fustigeaient déjà l’esclavage, l’arbitraire, les exactions, ainsi que celles et ceux qui en furent les victimes.

Enfin, ouvrir la réflexion sur le changement de nom d’un lieu, ce n’est pas se placer sur le terrain de l’histoire, mais sur celui de la mémoire. Pas plus que Staline est oublié ou effacé depuis que ses statues furent déboulonnées, le monde n’oubliera Christophe Colomb. Mais il importe de s’en souvenir pour les justes raisons, au-delà des banalités d’usage, et de poursuivre la discussion pour savoir s’il demeure légitime de célébrer et de conserver le nom du navigateur génois.

Le changement de nom de l’avenue Christophe-Colomb, toponyme aussi peu original que « boulevard Des Ormes », peut ainsi nous donner l’occasion d’adopter un nom bien plus pertinent ou évocateur de notre identité… Et pourquoi pas, justement, « avenue Beau-Dommage » ?

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