Il était une fois un peuple, un groupe de personnes, pas encore un peuple, traversé par ce qu’aujourd’hui nous appelons des crimes contre l’humanité, un soir de l’été 1791, qui se sont réunis pour dire non à l’ignominie. Dans la nuit du 14 août, dans la plantation du même nom, s’est tenue la Cérémonie du Bois Caïman, un acte historique pour la liberté et la dignité humaine.

Acte fondateur de la fin de l’esclavage à l’échelle mondiale, cette cérémonie, dirigée par le prêtre vaudou Boukman, réunissait des esclaves qui, malgré l’oppression physique et psychologique, ont fait le choix de croire dans leur humanité. Humanité qui implique dignité, liberté et épanouissement. Ce serment du Bois Caïman nous a donné la révolte réussie qui s’est tenue dans la nuit du 22 au 23 août 1791.

Cet acte héroïque payé chèrement (dette nationale) à la France devrait être commémoré à travers le monde, tant en Haïti et en France que dans les pays de l’Afrique noire. Plus que jamais, Bois Caïman est pertinent. Ce serment, cet engagement à la liberté a trouvé son succès dans la concertation. Les esclaves se sont unis et ont communiqué entre eux par les moyens qu’ils avaient mis en place. L’unité.

Trouver une sortie de crise

Aujourd’hui plus que jamais, Haïti et l’ensemble de ses enfants (du pays et de la diaspora) doivent s’unir pour mettre en œuvre avec intention et détermination une sortie de crise pérenne. Nous pouvons faire appel aux puissances étrangères qui, même lorsqu’elles se disent amies d’Haïti, n’ont en tête que leurs propres intérêts. Et les solutions qu’elles prônent et mettent en œuvre au nom d’Haïti vont souvent à l’encontre du bien-être du peuple haïtien.

Rappelons l’introduction du choléra qui a aggravé une situation déjà difficile en Haïti après le séisme de 2010 en engendrant 30 000 morts. L’ONU avait d’abord nié sa responsabilité, mais des enquêtes indépendantes et des preuves scientifiques ont finalement conduit à l’admission partielle de sa part de responsabilité et aux excuses de Ban Ki-moon en 2016. Ou encore, la mise en tutelle, dès 2003, par ce qui était alors l’« initiative d’Ottawa sur Haïti » et qui est devenu le groupe restreint (core group) comprenant le Canada, la France, les États-Unis et l’Organisation des États américains (OEA).

On se questionne sur le rôle de la communauté internationale dans la crise actuelle, sur l’assassinat de Jovenel Moïse et la prolifération des armes dans le pays. L’État haïtien étant défaillant, il ne faut pas s’attendre à ce que la communauté internationale soit bienveillante à l’égard de la nation haïtienne. C’est une question d’intérêt.

Le pays est embourbé dans des crises successives. Aujourd’hui, nous pouvons critiquer Ariel Henry, les gangs armés, l’exode sans précédent. Ce ne sont là que des symptômes d’un État défaillant. Les raisons historiques passées et récentes, nous les connaissons.

L’importance de la diaspora

Haïti est-il pour autant condamné ? Certainement pas. Et ce, malgré la fatigue émotionnelle que nous vivons face à la situation haïtienne.

Haïti a une force extraordinaire. Ou, devrais-je dire, les Haïtiens ont une force extraordinaire qu’ils n’optimisent pas : la diaspora.

Dans un autre article en 2010, j’écrivais que la diaspora devait jouer le rôle de conscience et de moteur économique. Soyons intentionnels et déterminés dans l’émancipation pour créer une transformation épanouissante d’Haïti.

Souvent, on entend dans les discussions la mention du peuple juif qui s’est levé au-dessus de l’holocauste. Ils ont un élément que le peuple haïtien n’a pas : la confiance dans l’autre. Les multiples raisons qui divisent le peuple haïtien sont encore vivaces : division religieuse, de classe, le colorisme, moun vil ak moun an deo, les cheveux, etc. Nous connaissons également les causes historiques de cette situation. Cependant, toutes les fois que le peuple haïtien s’est uni, il a gagné. Aujourd’hui, nous pouvons choisir d’être intentionnels et déterminés.

C’est un appel à la diaspora haïtienne, qu’elle soit au Canada, aux États-Unis, en France, en République dominicaine ou au Chili, à s’engager avec détermination pour l’émancipation réelle d’Haïti.

La contribution de la diaspora haïtienne dans les sociétés dans lesquelles elle s’est établie n’est plus à démontrer. Au Québec, nous avons des PDG qui créent des « licornes », des chefs de parti, des maires de ville, des présidentes de conseil de ville, des directeurs de ville, des chanceliers d’université, des médecins, qui sont des pionniers dans leur secteur, des artistes et des sportifs de renommée internationale, etc. Comme je le disais, la démonstration de la pertinence de leur contribution n’est plus à faire.

Nous faisons un appel pour briser les murs et construire des ponts. De choisir Haïti encore, constamment, jusqu’à l’émancipation désirée. D’investir dans les initiatives qui sont portées par les autres enfants d’Haïti. De faire confiance que même différent, c’est le même amour.

Visons une victoire sur nous-mêmes pour éventuellement faire face aux attaques externes. Et surtout pour un Haïti épanoui à la hauteur de nos ambitions.

Consultez le site de la Convention internationale des actrices et acteurs de la diaspora haïtienne Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion